Théâtre : un rêve de millet

Un rêve de millet figure dans un recueil de romans fantastiques écrit à l’époque Tang, au huitième siècle. Dans une auberge de la campagne chinoise, un jeune lettré rencontre un sage taoïste à qui il se plaint de sa condition misérable. L’aubergiste met du millet à cuire. Le sage donne au jeune homme un oreiller propice aux songes. Celui-ci s’endort et fait des rêves de gloire et de fortune. Lorsqu’il se réveille, il s’interroge sur ce qu’a été sa vie. L’odeur du millet s’est répandue dans la salle, il est cuit et les spectateurs sont prêts à le goûter. A la fin de la pièce, le jeune lettré se demande si, au-delà de la gloire, le « contentement », après lequel il courait, ne serait pas de manger un plat de millet, en restant libre de sa vie, conclusion marquée du sceau du taoïsme.

Théâtre : un rêve de millet
Théâtre : un rêve de millet

Huang Ying, le metteur en scène, se plait à croiser un texte classique, une esthétique chinoise traditionnelle et des éléments de modernité. Full Show Lane Studio, sa compagnie qui rassemble des artistes venus d’horizons divers, théâtre, opéra chinois, danse et musique, cherche à renouveler la forme du théâtre et à porter un regard différent sur la société d’aujourd’hui. Dans un angle de la scène, un homme en costume moderne, iPad à la main, suit l’action, met en marche le cuit-vapeur et donne de la nourriture à un poisson rouge. Mais la tradition n’est pas loin. Les dialogues sont chantés comme dans l’Opéra chinois et les arts traditionnels, danse, bâton sont à l’honneur. Sur une chaise rouge, une musicienne joue du samxian, un luth à long manche, mais il y aura aussi un gong et un tambour pour rythmer le récit des batailles.
Sur le devant de la scène, l’imaginaire se déploie dans toute sa splendeur. Ce sont les genoux d’une jeune femme qui deviennent l’oreiller où vont s’épanouir les rêves du jeune homme. Avec peu de choses on le suit sur-le-champ de bataille et dans ses travaux de bâtisseur. Son ascension sociale est évoquée par un manteau qui s’élève peu à peu. Le rouge des chaises trouve son écho dans celui des pots où cuit le millet et dans la robe si simple et si élégante de sa femme. La simplicité des vêtements paysans contraste avec la splendeur des manteaux de cour brodés. Le raffinement des éclairages, simple lanterne de papier ou lampes-fleurs complexes, magnifie la beauté des gestes : glissement rapide des petits pas de la dame, manches très longues qui s’envolent avec grâce quand elle danse, élégance des gestes des hommes qui versent l’eau pour la préparation du millet.
Tout est beau et raffiné dans ce spectacle et le millet servi au public à la fin apporte sa touche de simplicité en écho à la philosophie du texte.

Micheline Rousselet

En tournée
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