Pour la chanteuse L. (Raphaële Lannadère), Barbara est un port d’attache, celle à qui elle revient toujours après avoir tenté de s’en éloigner, « un spectre bienveillant qui rôde », une amie qui lui parle à l’oreille, une langue qu’elle reconnaît sans avoir eu besoin de l’apprendre. On comprend qu’elle ait voulu lui rendre hommage, nous faire entendre ses chansons, sa voix douce, sa parole directe et sincère.
Ce n’est pas un « best of » que Raphaële Lannadère a conçu, mais un hommage qui fait revivre Barbara en créant, avec l’aide de Thomas Jolly à la mise en scène et de Babx pour la musique, un univers qui ressemble à celui de la chanteuse disparue. Dans une douce pénombre, dans un lieu qui pourrait être le salon de la chanteuse ou un studio ou une loge, L. lunettes noires sur le nez, en longue robe noire parle avec un homme (Thomas Jolly) tour à tour confident, journaliste, interviewer plus ou moins délicat. Elle se confie ou répond avec pudeur ou insolence à des questions plus ou moins indiscrètes.
Barbara n’était pas que mélancolie, elle était aussi drôle. C’est sous cet angle que commence le spectacle avec Thomas Jolly au micro, débitant avec enthousiasme un discours langue de bois sur la chanson française tandis que l’on entend la voix de L. en arrière plan semblant se demander ce qu’elle fait là et à quoi on l’expose, avant de recevoir, sous les flash qui crépitent, le prix Barbara et un bouquet dont elle semble bien embarrassée. Le rideau s’ouvre alors et après le merci obligatoire L. enchaîne avec C’est moi que j’suis La Joconde. On voit passer Brassens et Gainsbourg dans une interview où ils sont aussi laconiques que Barbara. On revient sur son engagement dans la lutte contre le SIDA, pour laquelle elle sillonnait hôpitaux et prisons loin des caméras. On entend sa lassitude sur ces questions incessantes sur son physique ou sa voix.
Accompagnée au piano par Babx, Raphaële Lannadère chante des chansons de Barbara. Elle a évité les plus emblématiques – pas d’Aigle noir, de Göttingen, de Nantes, de longue dame brune – mais au gré des variations d’humeur on passe de la gravité de À m ourir pour mourir je choisis l’âge tendre à l’humour grivois avec la chanson de Fragson Tous les amis de Monsieur m’lont déjà dit . Barbara a peur avant d’entrer en scène mais elle ne peut pas se passer du public et une question sur la réceptivité du public entraîne L. sur La solitude .
L. fait sentir la passion pour la scène, en dépit de sa peur de son aînée. Comme Barbara, L. a une voix enveloppante qui semble murmurer une confidence ou se faire l’écho de nos peines et de nos rires. Comme Barbara, L. écrit habituellement ses chansons, mais elle se révèle ici, à l’instar de son aînée, une magnifique interprète. On ne sait plus qui parle lorsqu’on entend « J’aime chanter, je chante, c’est égoïste ». Barbara dit « c’est le public qui m’emmène » et ce soir, c’est L. qui nous emmène avec talent dans le souvenir de Barbara et de ses chansons.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 21h, les dimanches à 15h, relâche les 29 et 31 octobre
La Scala
13 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris
Réservations : 01 40 03 44 30 ou lascala-paris.com
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