Muriel Gaudin s’est inspirée de son expérience personnelle pour écrire Un certain penchant pour la cruauté mis en scène par son complice Pierre Notte. Elle a accueilli pendant deux ans un jeune migrant. Elle a alors pris conscience à quel point cet acte apparemment altruiste soulevait de multiples questionnements et des remises en question de nos certitudes.
Dans la pièce, Elsa, mère de famille dominatrice décide sans demander l’accord de son mari, Christophe, et de sa file adolescente, Ninon, d’héberger un jeune immigré malien de 16 ans, Malik. Elle est persuadée que cette arrivée sera profitable à toute sa famille et au jeune migrant. Il les ouvrira sur une autre culture, les amènera à réfléchir sur leur façon de vivre. Quant au jeune Malien, ils lui assureront une stabilité, l’éduqueront, l’aideront à s’intégrer. Mais son arrivée ne va pas correspondre aux attentes d’Elsa. Malik va faire l’effet d’une bombe à fragmentation et révéler les non-dits, les secrets familiaux et les contradictions personnelles. Les bons sentiments d’Elsa ne tiennent pas longtemps car Malik n’est pas le jeune homme fragile et malléable qu’elle imaginait. Ses préjugés refont surface et elle regrette son geste contrairement à son mari et sa fille qui finalement apprécient le jeune homme et vont le défendre contre elle. Mais c’est surtout la famille qui éclate : les infidélités d’Elsa apparaissent au grand jour, le doute plane sur l’identité du père de Ninon : son mari ou son amant, Julien.
Dans une scénographie inventive de François Gauthier-Lafaye faite de cubes de différentes hauteurs et de coffres qui figurent les objets de la maison et les différents lieux, les saynètes s’enchaînent sans temps mort accompagnées par la musique de Clément Walker-Viry qui ponctuent les différentes ambiances. Muriel Gaudin nous amène à nous interroger sur les raisons profondes de nos bonnes actions et sur la complexité de l’être humain. L’altruisme et la cruauté, la générosité et la peur de l’autre, la bien-pensance et les préjugés se mêlent au cœur de chacun de nous.
Muriel Gaudin, qui interprète Elsa avec brio, nous fait rire de ses contradictions, de sa mauvaise foi et de sa tyrannie. Benoit Giros joue le mari délaissé et trompé, qui n’a pas le droit à la parole avec une grande douceur et sensibilité. Emmanuel Lemire, tout en retenue et souffrance, est l’ami de la famille et l’amant d’Elsa. Chloé Ploton compose une adolescente d’une grande justesse : elle boude, s’empiffre de M&M’s, se querelle avec sa mère. Quant à Clyde Yeguete, il est un Malik plein de vie et d’une grande sensibilité. Tous les comédiens sont excellents.
Même s’il est dommage que les nombreuses séances d’habillage et de déshabillage à vue ainsi que le déplacement trop fréquent des cubes du décor brouillent le rythme, c’est un spectacle captivant qui traite de thèmes sérieux avec humour, drôlerie mais aussi poésie.
Frédérique Moujart
Du 22 septembre 2023 au 19 novembre 2023, les mercredis et vendredis à 19h, les dimanches à 16h au théâtre de La Reine Blanche, 2 passage Ruelle, Paris 17ème- Réservation : 01 40 05 06 96 ou www.reineblanche.com – Le Samedi 16 décembre 2023 à 21h au théâtre Jean Cocteau à Franconville (95) – Le jeudi 22 février 2024 à 20h45 et le vendredi 23 février 2024 à 20h45 à l’Espace Culturel La Fleuriaye – Carquefou (44) – Le samedi 23 mars 2024 à 20h30 au théâtre Gérard Philipe à Saint Cyr (78)
Photo : Philippe-delacroix-scaled
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