Sur une île isolée ne subsistent plus que huit habitants après la faillite des abattoirs qui faisaient vivre son économie. Après le suicide d’une des habitantes qui s’est pendue au drapeau danois, sa fille, dirigeante du parti d’extrême droite créé par son père, vient en toute discrétion pour les funérailles de sa mère. Mais elle vient aussi annoncer ses projets pour l’avenir de l’île. Sur cette île il y a d’abord le maire, laquais dévoué au parti extrémiste dont il épouse les pires positions, qui passe son temps à humilier sa femme et ses deux filles. Il y a aussi le pasteur, sommet d’hypocrisie et de veulerie, et sa femme et enfin l’ancien propriétaire des abattoirs, père de la dirigeante du parti extrémiste, vieux misogyne aux idées rances. Que cache le suicide de sa femme ?

Théâtre : Tristesses
Théâtre : Tristesses

Avec le rythme d’une série policière ponctuée de rebondissements, la pièce imaginée et mise en scène par Anne-Cécile Vandalem, s’inscrit dans un climat fétide de montée du nationalisme et du populisme. L’auteure s’attaque à ce qu’elle appelle « l’attristement des peuples », leur résignation qui fait le lit de cette expansion du fascisme. Elle glisse d’un registre à l’autre avec fluidité, passant de la chronique familiale à la fable politique, du tragique au grotesque, du drame au rire, un rire grinçant et caustique.

Sur le plateau, dans une atmosphère un peu crépusculaire, un village danois avec sa place entourée par le temple, trois austères maisons de bois et une rue. Deux musiciens et une soprano Françoise Vanhecke, incarnations des morts, accompagnent la progression de l’histoire. Les comédiens sont à la fois acteurs de la pièce et du film, réalisé et projeté en direct sur l’écran qui surmonte la scène. Le résultat est assez troublant, on voit les acteurs mais on découvre aussi sur l’écran, dans une continuité entre l’extérieur et l’intérieur, ce que les personnages voient dans l’église ou la maison et que le spectateur, comme coincé sur la place, n’est pas en position de voir. Les huit comédiens et musiciens, dont Anne-Cécile Vandalem elle-même qui incarne la dirigeante du parti extrémiste, sont tous impeccables.

Le spectacle est une très belle réussite. Au moment où nombre de metteurs en scène s’attachent, trop souvent sans grande réflexion, à la question des migrants, Anne-Cécile propose un vrai spectacle intelligent, à la fois drôle et profond, sur la montée du nationalisme et du populisme, avec son lot de manipulations qui visent à diriger le mécontentement populaire non vers les véritables responsables mais vers les boucs-émissaires que représentent les migrants.

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h

Théâtre de l’Odéon Ateliers Berthier

1 rue André Suarès, 75017 Paris

Réservations : 01 44 85 40 40

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