Girafe, une petite fille de neuf ans que sa maman a surnommée ainsi en raison de sa taille, vit seule avec son père à Lisbonne depuis la mort de sa mère. Elle veut faire un exposé en classe sur la vie des girafes, mais son père, comédien au chômage, a interrompu leur abonnement à Discovery Channel, sa chaîne de télé préférée, celle où elle escomptait trouver des informations. Il lui faudrait trouver 53507 euros (c’est son ours qui a fait le calcul) pour s’abonner sa vie entière à Discovery Channel. Avec son ours Judy Garland, qui aurait préféré s’appeler Tchekhov et jure comme un charretier, elle part dans Lisbonne avec l’intention de trouver cet argent.

Théâtre : Tristesse et joie dans la vie des girafes
Théâtre : Tristesse et joie dans la vie des girafes

Thomas Quillardet avait été séduit par la pièce de Tiago Rodrigues, le jeune dramaturge, acteur, metteur en scène et directeur du Théâtre National Dona Maria II de Lisbonne. Il l’avait traduite pour France Culture et met en scène aujourd’hui cette petite merveille écrite à la hauteur d’une petite fille, un peu agacée par un père aimant qui ressasse « tout va bien se passer », mais dont elle sent bien le chagrin et l’inquiétude. Un peu méfiante à l’égard des inconnus qui l’abordent (« t’es pas pédophile ? »), elle part à l’aventure avec son ours dans le Lisbonne de 2008 en proie à la crise et rencontre un petit vieux en colère qui ne mange que des soupes en sachet, un policier, un banquier-bibendum gonflé à l’image des profits de sa « banque à tout faire » et même le Premier Ministre auquel elle réclame une loi qui lui permettrait de braquer une banque. Girafe cherche à déchiffrer le monde avec des mots vérifiés dans le dictionnaire. Son ours aligne insultes et gros mots que la petite fille ne peut dire pour exprimer sa colère et sa tristesse face à l’injustice du monde qui a décidé que « l’homme qui est mon père a arrêté de mériter de l’argent à la fin du mois ». C’est poétique et drôle, jamais moralisateur ou dépressif. Au texte de ce voyage, Girafe aura grandi, accepté le deuil de sa mère, pourra se passer de son ours et se battre pour réaliser ses espérances.

La mise en scène de Thomas Quillardet inventive et astucieuse joue beaucoup sur les sons. Girafe s’est fabriquée un journal sonore avec l’enregistreur de sa mère et la complicité d’un perchman. Agenouillée elle manie une paire de chaussures et annonce « ceci est le bruit de mes pas sur le gravier et ça c’est le bruit que fait l’homme qu’est mon père en pensant à la femme qui était ma mère », pendant son périple, dans les rues, on entend le bruit des voitures. Quand Girafe a peur ou parcourt Lisbonne l’espace change, une toile de tente se gonfle ou se replie, un canapé devient canoë. Un cintre où pend une robe la renvoie à sa mère.

Les quatre acteurs sont parfaits, avec une mention spéciale pour Maloue Foudrinier, une Girafe bavarde qui cherche de façon enfantine des solutions aux problèmes qu’elle pressent et qui mûrit vite et Christophe Garcia en ours malotru et suicidaire absolument hilarant.

Une mise en scène inventive et astucieuse au service d’un texte poétique, intelligent et drôle qui touche les adultes au moins autant que les enfants. Tout est là pour un très grand succès.

Micheline Rousselet

Théâtre de Gennevilliers

41 avenue des Grésillons

92230 Gennevilliers

Réservations : 01 41 32 26 26

Se réclamer du Snes et de cet article : demande de partenariat Réduc’snes en cours


Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu