Théâtre : Toute nue

La pièce en un acte de Feydeau Mais n’te promène donc pas toute nue est bien connue. Le député Ventroux demande à sa femme Clarisse de cesser de se promener dans leur appartement en tenue légère car il attend une visite de son adversaire politique Hochepaix, maire de Moussillon-les-Indrets. Une dispute éclate sur le sujet entre les époux alors qu’arrive un second visiteur, le journaliste du Figaro, Romain de Jaival, chargé de faire un reportage sur les époux. Clarisse ne se rhabille absolument pas, au contraire, et une piqûre de guêpe sur son postérieur va ajouter au charivari.

Théâtre : Toute nue
Théâtre : Toute nue

La metteuse en scène Émilie Anna Maillet a choisi de sublimer ce que la pièce peut avoir de dénonciateur sur la situation de potiche faite aux épouses d’hommes de pouvoir (mais pas seulement !) en insérant dans le spectacle des extraits de différentes pièces de Lars Norén. Le mélange extrêmement subtil des deux écritures, que plus d’un siècle sépare, crée un irrésistible jeu de massacre sur le couple en politique, sur le rôle boursouflé attribué aux media et sur la place d’instrument de communication assignée aux femmes. Mais Clarisse, faussement naïve, fait feu de tous bois pour résister et sa résistance est source d’un complet capharnaüm.

La mise en scène est d’une précision diabolique. Ce qui se dit sur la scène est essentiellement le texte de Feydeau. La vidéo nous entraîne dans des hors champs où on est davantage avec Lars Norén, voire avec des personnages qui parlent, mais on n’entend pas leur voix, pas étonnant car en politique le message est souvent brouillé ! Le comique de la pièce atteint des sommets par la grâce de la mise en scène. Clarisse argue de la chaleur pour se promener dévêtue, se place quasiment dans le frigo pour se rafraîchir, utilise abondamment la douche et se met de plus en plus nue au grand dam de son mari et à la surprise de ses visiteurs. Le rythme auquel s’enchaînent les gags renvoie aux films muets du burlesque, d’autant plus que le valet de Clarisse, Victor, ponctue les moments de la bataille en jouant de la batterie comme un écho aux pianos qui accompagnaient les films, à l’époque du muet.

Les deux politiques, Sébastien Lalanne dans le rôle de Ventroux et Denis Lejeune dans celui de Hochepaix, tentent sans succès de résister au grand chambardement, finissant dans la baignoire. Le journaliste (Matthieu Perotto en alternance avec Simon Terrenoire) et son preneur de son rampent à la recherche du scoop. Pendant ce temps Clarisse (magnifique Marion Suzanne) joue de sa nudité pour démolir avec entrain et constance le rôle qui lui est assigné, demandant à tous ces hommes de sucer son postérieur pour éliminer le poison de la piqûre de guêpe ! C’est le bazar le plus complet et l’on rit beaucoup. Pour autant on a dépassé le pur vaudeville. L’inanité des petites querelles politiques mesquines, la médiocrité de la presse people et la dénonciation du rôle attribué aux femmes explose aux yeux de tous.

Micheline Rousselet

Du mardi au jeudi et le samedi à 20h, vendredi à 19h, dimanche à 15h30

Théâtre Paris-Villette

211 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris

Réservations : 01 40 03 72 23

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