
Frédéric Jessua met en scène cette comédie très peu jouée de Shakespeare qui se déroule en France et aussi en Toscane sous le règne de Francois 1er pendant les guerres d’Italie. Composée en 1604, elle est une réécriture d’une nouvelle du Décaméron de Boccace La femme courageuse. Frédéric Jessua et Vincent Thépaut s’emparent de ce texte en travaillant sur ses différentes traductions. Bien sûr, ils élaguent et se servent des mots mais aussi du jeu des expressions et des sentiments pour en faire un texte contemporain sans en trahir le sens. Et c’est une vraie réussite.
Dans un contexte de guerres d’Italie, Hélène (Céline Laugier interprète ce rôle à la perfection) orpheline et fille adoptive de la Comtesse de Roussillon veuve (extraordinaire Félicité Chaton) est éprise de Bertrand joué par Enzo Houzet, excellent en galant prince charmant malotru, son frère de lait et fils de la femme qui l’a élevée. Obstinée, elle va tout mettre en œuvre pour contraindre celui qui se refuse à lui passer la bague au doigt parce qu’elle n’est pas noble. Frédéric Jessua ne lésine pas sur l’irrévérencieux en mêlant des scènes de cruauté amoureuse, de désir insurmontable et de fantasmes sexuels où se jouent des intrigues politiques. Il montre en la transposant à notre époque toute la liberté provocatrice de Shakespeare. L’émancipation des femmes et leur force passent par leur volonté tenace d’arriver à leur fin y compris par la ruse et sans user de la violence dominatrice des hommes. Mariage forcé il y aura, mais c’est l’homme qui s’y pliera après la mise en lumière de toutes ses lâchetés.
La mise en scène est un régal de théâtre de tréteaux. Des panneaux sur roulettes peints de décors évocateurs manipulés par les comédiens et une tournette au centre de la scène, telle un manège ou une boîte à musique, rythment les différentes scènes de cette intrigue dans laquelle le spectateur est entraîné sans temps mort où le réel et l’imaginaire se confondent dans un déroulé rocambolesque, clownesque et grivois. C’est aussi très sportif : le duc florentin joué par le formidable Charles Van de Vyver qui a aussi le rôle de François 1er,en tenue de champion de formule 1 Ferrari est à se tordre de rire. Tous les autres comédiens sont également à la hauteur de leurs différents rôles. Rony Wolf campe un Paroles illuminé et mythomane au service de Bertrand. Il ne faut pas oublier les rôles de Diane remarquable Lénia Tournier-Bernard.Vincent Thépaut en premier seigneur et Raouf Rais entre autre second seigneur sont tout aussi excellents.
Une mise en scène moderne qui rend parfaitement l’esprit de Shakespeare mêlant tragique et comique, épopée personnelle et Histoire et la troupe magnifique d’unité nous emporte dans un rythme endiablé. N’hésitez pas à emmener vos adolescents, vos élèves voir ce spectacle et courez-y avec eux.
Frédérique Moujart
Jusqu’au 23 mai, à 20h du lundi au vendredi, à 18h, les samedis – Théâtre 13 / Bibliothèque, 30 rue du Chevaleret, Paris 13ème – Réservations : 01 45 88 62 22 ou billetterie@theatre13.com
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