Dans une Maison d’arrêt de femmes, des prisonnières se retrouvent à la bibliothèque. Elles y évoquent leur quotidien, leur travail, leurs amours, leur enfance ou leurs rêves. Le soir de Noël elles ont décidé de faire une fête et de s’offrir des cadeaux quand survient une nouvelle arrivante. Elle veut emprunter On ne badine pas avec l’amour de Musset. Elle a été arrêtée alors qu’elle s’apprêtait à acheter ce livre pour sa fille qu’elle venait d’enlever après que la Justice eut décidé de la confier à son père. Pour la sauver du désespoir les cinq prisonnières vont lui proposer de jouer avec elle la pièce de Musset et de la filmer avec un portable pour l’envoyer à sa fille. Peu à peu elles se rendent compte que la pièce fait écho à leur propre vécu et elles vont glisser de la langue de Musset à la leur, celle des banlieues.

Théâtre : tous mes rêves partent de Gare d'Austerlitz
Théâtre : tous mes rêves partent de Gare d’Austerlitz

Marjorie Nakache, directrice artistique du Studio Théâtre de Stains qu’elle a cofondé en 1984, ancre sa programmation dans le monde d’aujourd’hui. Le racisme, les inégalités, le machisme, les difficultés des habitants de la banlieue, la violence sont souvent au cœur des pièces qu’elle monte. Elle poursuit ici le travail entrepris pour Babylon City avec l’écrivain Mohamed Kacimi. Les ateliers d’écriture qu’elle animait à la Maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis ont télescopé le travail que le dramaturge menait à Gaza sur le texte de Musset et cela a donné ce texte dans lequel Mohamed Kacimi fait entendre la voix de celles qui en sont souvent privées et que le théâtre libère.

Les six actrices sont enfermées par des rampes de fines lumières qui délimitent le sol et la porte. Les bruits que l’on entend sont ceux que l’on entend dans la prison, les portes claquent, les croassements des corbeaux résonnent au dehors de façon sinistre. Les six actrices s’emparent de la personnalité de ces six prisonnières. Marjorie Nakache est la bibliothécaire, dont on soupçonne qu’elle est là depuis longtemps, et qui a trouvé ce job pour s’échapper dans la lecture, le classement et la distribution des livres. Jamila Aznague est Zélie. Petite, vive, courant partout pour se faire entendre, elle raconte chaque jour le même rêve à Barbara, son départ dans un train en robe blanche et la rencontre d’un homme. Olga Grumberg est Lily qui a fini par étouffer son amant avec un oreiller pour qu’il cesse de la frapper. Marina Pastor hurle son désespoir d’avoir perdu sa fille. Irène Voyatzis est Marylou, celle qui n’a pas perdu l’espoir que l’homme qu’elle aime et qui lui a annoncé sa visite tienne parole et vienne. Elle sera Camille dans la pièce de Musset. Gabrielle Cohen est Rosa. Quand elle interprète le Perdican d’ On ne badine pas avec l’amour , elle découvre que les mots de Musset ne sont pas vieux comme elle le pensait au début, mais qu’ils étaient dans son ventre et qu’ils la bouleversent car ils sortent d’elle.

Dans l’imaginaire commun la prison est un monde d’hommes, les femmes sont souvent oubliées de leurs amis, de leurs amants, de leur famille restés dehors. C’est la prison qui devient leur univers. Au gré des conversations on entend des échos de leur enfance souvent cabossée, de leur vie ratée et des raisons qui les ont menées là. Elles trouvent en elles de l’humour, de la fantaisie, des rêves qui leur évitent de sombrer et leur parole nous déchire.

Micheline Rousselet

Les 3, 5, 6 et 12 avril à 14h, les vendredi 6, samedi 7 et vendredi 13 avril à 20h45, le dimanche 8 avril à 16h

Studio Théâtre de Stains

19 rue Carnot, 93240 Stains

Réservations 01 48 23 06 61 ou contact@studiotheatrestains.fr

Se réclamer du Snes et de cet article : demande de partenariat Réduc’snes en cours

Du 6 au 18 novembre 2018 au Théâtre 13/Seine


Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu