Le chœur des amants, créé en 2007, fut la première pièce de Tiago Rodrigues présentée à Lisbonne Deux amants engagés dans une course contre la montre pour sauver sa vie à elle, racontent en chœur la même histoire. Quand ils sont séparés à l’hôpital, les pensées de l’un sont toujours tournées vers l’autre, vers la vie, vers ce Scarface, devant lequel ils se sont endormis à la télévision la veille, et qu’ils veulent finir de voir ensemble. Treize ans après sa création, en 2021, le metteur en scène a repris la pièce, imaginant ce qui leur était arrivé. La vie a continué, leur fille a grandi, la mort est venue mais la force vitale de l’amour les inspire toujours. Durant quarante-cinq minutes, deux acteurs magnifiques, Alma Palacios et David Geselson (en alternance avec Grégoire Monsaingeon) se regardent, parlent d’un même souffle et font vibrer d’émotion le théâtre suspendu à leurs lèvres.

On quitte l’intime et la beauté de l’amour pour une pièce plus politique, plus réflexive avec Catarina et la beauté de tuer des fascistes. Devant la faiblesse de la démocratie face à la montée de l’extrême-droite qui se manifeste de plus en plus dans la presse et les élections, face aux féminicides et aux mouvements anti-avortement, la violence doit-elle être la réponse ?

Dans une maison isolée au Sud du Portugal une famille est réunie. Catarina vient d’avoir l’âge qui lui impose de poursuivre la tradition familiale instaurée vingt-cinq années auparavant. Elle doit tuer un fasciste que la famille a capturé. Puisque la justice, la liberté, l’égalité sont belles, tuer un fasciste qui les combat est beau. Mais Catarina a des doutes. Qu’est-ce qu’un fasciste ? Faut-il violer les règles de la démocratie pour la défendre ? N’y a-t-il que la violence pour la défendre ou peut-on croire à la puissance des mots ? Dans cette famille où tous, hommes comme femmes sont des Catarina, où la sonnerie d’un téléphone est l’Internationale, on argumente beaucoup, aussi bien sur le véganisme que sur les subtiles contradictions dans la pensée de Brecht ou de Gandhi, sur la liberté d’opinion qui a permis à toutes les obscénités de s’exprimer et autorisé les fascistes à détourner la démocratie. Le conflit familial éclate tandis que rôde le fantôme de cette autre Catarina, assassinée pendant la dictature en 1954, et qui est à l’origine de cette obligation familiale.

La force du théâtre de Tiago Rodrigues est de créer des personnages et des situations qui vont obliger le spectateur à réfléchir. On n’est pas dans un simple échange d’idées, il y a de la poésie, de l’humour, mais le message est fort. Les acteurs sont tous très bons, mais lorsque Romeu Costa qui incarne le fasciste, resté seul vivant à la fin, prend la parole alors qu’il était totalement silencieux depuis le début de la pièce, les spectateurs restent pétrifiés. Il attaque la démocratie présentée comme impuissante et corrompue, appelle les « vrais Portugais » à se débarrasser des minorités et des élites, à réduire au silence les homosexuels, les défenseurs de l’avortement, les journalistes qui défendent la liberté, etc. Quant aux femmes elles sont priées de rester à la place qui leur est assignée. On pense à Bolsonaro, à la montée de l’extrême-droite dans de plus en plus de pays d’Europe et la rage nous saisit. Tiago Rodrigues n’apaise pas, il ne donne pas de réponse mais il crée un malaise qui contraint le spectateur à sortir de sa zone de confort et les discussions vont bon train à la sortie du théâtre.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 29 octobre pour Le chœur des amants, du mercredi au samedi à 18h plus le samedi à 15h ; Jusqu’au 30 octobre pour Catarina du mardi au samedi à 21h, les dimanches à 17h – Théâtre des Bouffes du Nord, 37 (bis) boulevard de La Chapelle, 75010 Paris – Réservations : 01 46 07 34 50 ou www.bouffesdunord.com

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