Une jeune femme en tenue de cadre est assise à une table sur un quai de gare. Elle lit un recueil de poèmes de Mallarmé. Un homme arrive et s’assied à une table voisine, l’observe, se dit qu’il a le même recueil de poèmes dans sa poche et monologue en décrivant la jeune femme. Ancien prix Goncourt, il est en panne d’inspiration. Elle va être bientôt licenciée. Mais qu’est-ce qui peut bien naître de la rencontre entre ces deux personnages que bien des choses séparent, leur âge, leur milieu professionnel, leur culture ? Tout l’art d’Henri Courseaux consiste à jouer des mises en abyme et à nous perdre. Et quelle jubilation de le suivre ! Cette jeune femme est-elle cette cadre en perdition ou une création de l’écrivain ou son agent littéraire ou sa femme ou sa fille ou autre chose encore ! Et lui, où en est-il ? Vieille gloire glissant vers la sénilité, écrivain se demandant « comment écrire quand on n’est pas sûr d’exister » ou rebondissant grâce à cette rencontre ?

Théâtre : Tendresse à quai
Théâtre : Tendresse à quai

Dans cette comédie subtile, l’auteur semble jouer du désarroi des deux héros mais il se plaît surtout à mêler l’invraisemblance des situations avec des remarques sur les rapports de l’auteur avec sa créature, à nous offrir quelques aphorismes très drôles sur le style ou sur les rapports de l’auteur avec son éditeur. Sur fond de poésie et tendresse, c’est toute une humanité qui passe. La mise en scène de Stéphane Cottin épouse la légèreté et la rapidité de l’écriture et est fidèle à son côté rieur. Les annonces et jingles de la SNCF ou de France Culture provoquent le sourire, l’espace scénique devient cafeteria de gare ou appartement, les éclairages nous plongent en plein réel ou nous conduisent dans un monde onirique.

Qui mieux que l’auteur lui-même pouvait interpréter le héros ? Il a l’œil qui frise de Léon, son sourire de vieux farceur prêt à s’emballer, à se fâcher, à se révolter ou à s’attendrir. À ses côtés Marie Frémont est Madeleine, gracieuse, sensible, pleine d’humour, prête à suivre Léon dans ses envolées audacieuses … à moins que ce ne soit lui qui la suive !

Courez les voir et rire avec eux, ils sont formidables.

Micheline Rousselet

Du mercredi au samedi à 21h, le dimanche à 14h30

Studio Hébertot

78 bis boulevard des Batignolles, 75017 Paris

Réservations : 01 42 93 13 04

Se réclamer du Snes et de cet article : demande de partenariat Réduc’snes en cours


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