Peter Brook a déjà mis en scène plusieurs fois La tempête. Il a essayé toutes sortes de moyens pour tenter d’en rendre le merveilleux, en particulier en faisant appel à des acteurs venus de pays où les cultures traditionnelles étaient encore présentes.

La tempête est en effet une fable où on trouve tous les sujets qui concernent l’être humain, la trahison, la vengeance, l’amour mais où la magie vient brouiller les relations. Prospéro, plongé dans ses livres n’a pas vu venir la trahison de son frère. Exilé sur une île avec sa fille, il lui reste l’art de la magie qui lui a permis de mettre à son service l’elfe Ariel, de neutraliser le fruste Caliban et de provoquer le naufrage des bateaux transportant ceux qui l’ont trahis.

Dans cette adaptation Peter Brook, et sa complice de longue date Marie-Hélène Estienne, ont souhaité mettre l’accent sur un mot qui traverse la pièce « Libre ». Ariel veut gagner la liberté de retrouver son monde invisible, ainsi que le lui a promis Prospéro dès lors qu’il aura terminé sa tâche. Caliban veut retrouver sa liberté dans son île. Quant à Prospéro ne doit-il pas lui aussi se libérer du désir de vengeance qui l’obsède ? Il pourrait se laisser aller à l’ivresse de son pouvoir magique mais il va s’ouvrir devant l’amour de sa fille pour le fils de son ennemi, casser son bâton de magie, libérer Ariel et Caliban et renoncer à la vengeance.

Pour insister sur ce travail de réflexion sur la pièce de Shakespeare, Peter Brook et Marie-Hélène Estienne ont donc choisi de l’intituler Tempest project. Partant de la traduction de Jean-Claude Carrière que Peter Brook avait utilisée en 1990, ils l’ont retravaillée, resserrée pour la rendre plus claire et plus compréhensible.

Le théâtre des Bouffes du Nord avec son côté baroque un peu décati convient admirablement à cette mise en scène. Pas de décor, quelques rondins de bois élégamment taillés, des morceaux de tissus suffisent à nous emmener sur l’île de Prospéro. Quelques fines baguettes suffisent à simuler l’enfermement d’Ariel, une vieille couverture sert de vêtement à Caliban. C’est la musique qui habille le mystère par les chants de Harué Momoyama. La distribution rassemble des acteurs d’origines diverses, comme aime à le faire Peter Brook. Sylvain Levitte passe de la jeunesse et de l’élégance de Ferdinand, fils du roi de Naples et amoureux de la fille de Prospéro, à la bêtise de Caliban, plus maladroit que méchant dans cette version. Paula Luna prête sa jeunesse à Miranda. Les jumeaux Fabio et Luca Maniglio font merveille en ivrognes qui, alliés à Caliban, menacent Prospéro. On retient surtout Ery Nzaramba en Prospéro ressemblant à un vieux sage africain avec son bâton de magie et Marilù Marini qui prête sa délicatesse, sa douceur et son sourire malicieux à Ariel.

Une mise en scène portée par la grâce et légèreté sans rien abandonner de la pièce de Shakespeare.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 30 avril aux Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de La Chapelle, 75010 Paris – du mardi au samedi à 20h30, le samedi à 15h30 et le dimanche à 16h –

Réservations : 01 46 07 34 50 ou www.bouffesdunord.com

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