En 1985, à Mexico, un homme s’est levé pour défendre le droit à être relogé des habitants des quartiers populaires dévastés par le tremblement de terre. Ce Superbarrio, mélange de Zorro et de Superman, masqué, vêtu d’un justaucorps rouge, d’un slip et d’une cape jaune a vraiment existé. Ancien ouvrier, champion de lutte, il s’était dressé pour défendre les pauvres et lutter contre les promoteurs immobiliers et les politiciens corrompus à leurs ordres. C’est ce personnage que fait revivre la pièce écrite par Jacques Hadjaje. Autour de Superbarrio gravite un univers de personnages pittoresques, sa sœur qui prépare un chocolat de légende et son soupirant, policier de son état et par ailleurs son cousin, une strip-teaseuse et son partenaire travesti, un jeteur de sort muni d’une grosse pierre qui cherche le canal pour s’y noyer, un ange tombé du ciel, une femme d’affaires propriétaire d’une multinationale du bâtiment qui fait la pluie et le beau temps auprès des hommes politiques et son assistante. Certains le soutiennent, d’autres le combattent.
Derrière cet univers, qui évoque la BD et où l’on rit souvent, apparaissent des questions sérieuses : le droit au logement, la révolte des indignés contre des capitalistes prêts à tout pour défendre leurs intérêts soutenus par des politiciens corrompus. Si l’enjeu de cette histoire est universel, le texte et la mise en scène de Jacques Hadjaje ancrent la pièce dans un Mexique bien réel. Le décor éclate de couleurs, le linge pend sur une corde, la Vierge sur un mur d’un bleu étincelant s’auréole de lampes de toutes les couleurs et la mobylette Peugeot refuse de démarrer. La palissade bleue s’ouvre sur l’intérieur de l’Eglise ou sur la loge de la strip-teaseuse et tout en haut trône le bureau de la femme d’affaires. Le surréalisme de Buñuel n’est pas loin avec cet ange tombé du ciel avec sa valise, qui range ses ailes pour rester parmi les hommes, ce jeteur de sorts toujours en quête d’un canal pour s’y noyer et ce Superbarrio que certains habitants jurent avoir vu léviter sur la Grand’Place pendant son discours. Mais finalement qui est Superbarrio, un révolutionnaire, un calculateur qui pourrait se laisser acheter ou tout simplement un homme révolté, un idéaliste amoureux ? Guillaume Lebon campe avec humour et détermination un Superbarrio grotesque et magnifique, emporté par un projet qui le dépasse. Face à lui Isabelle Brochard incarne Madame Soledad, la chef d’entreprise qui se veut maître du Mexique. Delphine Lequenne est la sœur de Superbarrio partagée entre ses deux amoureux. Le rythme est soutenu, la musique (contrebasse, violon, accordéon) donne la pulsation du spectacle accompagnant les espoirs et les craintes des personnages de ce spectacle d’agitprop bien réussi, car il s’y glisse ce qu’il faut de poésie, d’humour et de douce folie.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 20h, dimanche à 16h
Théâtre 13 / Seine
30 rue du Chevaleret, 75013 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 45 88 62 22
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