C’est quoi une sorcière ? Une magicienne, une guérisseuse, une femme qui se fait remarquer, un esprit indépendant qui risque de faire de l’ombre aux hommes ? Certes on ne les condamne plus au bûcher. Pourtant si on y réfléchit et qu’on sort du folklore de la sorcière chevauchant son balai, ce fut, dans l’histoire, un crime de masse. Aujourd’hui encore la domination masculine œuvre à l’effacement des femmes de l’histoire, de la littérature et des arts. Qu’elles veuillent bien rester à leur place, comme assistante dans le monde du travail, comme épouse et mère dans la sphère domestique ! Comme le dit Mona Chollet, « une vraie femme, c’est un cimetière des désirs avortés ».
Le Collectif À définir dans un futur proche formé par Élodie Dey, Melissa Phulpin et Géraldine Sarratia, a proposé au Théâtre du Rond-Point en 2019 d’adapter le livre Sorcières de Mona Chollet. Dans cet essai marquant par sa pertinence et son ironie, la journaliste s’interroge sur les normes qui, par-delà les époques, modèlent les féminités et les emprisonnent. Le Collectif a choisi de faire entendre ce texte par la voix de comédiennes et de musiciennes qui se succèdent. Elles sont 26 à participer au projet parmi lesquelles, pour les comédiennes, Anna Mouglalis, Clotilde Hesme, Laure Atika, Ariane Ascaride, Irène Jacob, Marie-Sophie Ferdane et, pour les musiciennes, Anne Paceo, Melissa Laveaux Clara Ysé, etc. Chaque soir deux musiciennes et quatre comédiennes lisent ou plutôt interprètent les textes avec leur voix et leur sensibilité. Ainsi de sa voix rauque et profonde Anna Mouglalis épingle la place assignée aux femmes par les hommes qui vantent leurs qualités de dévouement. Elle rappelle que, selon la phrase souvent attribuée à Talleyrand, « derrière chaque grand homme il y a une femme ». Clotilde Hesme s’interroge avec ironie sur l’injonction faite aux femmes d’avoir des enfants et de les avoir jeunes en raison de l’impératif de « l’horloge biologique ». Enfin Laure Atika s’insurge avec humour contre le « plafond de mère » qui condamne les femmes à une retraite plus faible que celle des hommes et dénonce la peur de vieillir qui s’impose plus aux femmes qu’aux hommes les expédiant vers la chirurgie esthétique pour que l’on puisse dire d’elles « Waouh, elle n’a pas changé ». Avec leurs interventions et ce que Garance Mariller, Anne Paceo et Melissa Laveaux expriment par leur voix et la force de leurs instruments, batterie pour la première et guitare pour la seconde, apparaît toute la puissance créatrice des femmes.
Avec ironie et humour elles dénoncent la bien-pensance d’un monde fait pour les hommes et par les hommes et la salle, où heureusement il n’y a pas que des femmes, leur fait un triomphe.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 9 novembre au Théâtre de l’Atelier, Place Charles Dullin, 75018 Paris – les mardis et mercredis + le 3 novembre à 19h – Réservations : 01 46 06 49 24 ou theâtre-atelier.com
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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