Elle habite un appartement glacial dans la banlieue de Londres et enseigne à des gamins défavorisés dans une banlieue éloignée à l’autre bout de la ville. Un adolescent vient la voir. Ils se sont connus autrefois et il vient lui dire qu’il ne s’entend plus avec son père. Un homme arrive ensuite. Avec cette femme ils se sont aimés autrefois. Il s’est lancé dans les affaires, a réussi. Il est veuf désormais et entre eux tout pourrait peut-être recommencer. Mais est-ce encore possible alors que leurs choix de vie sont radicalement différents ?

David Hare, un des dramaturges britanniques actuels les plus brillants, écrit un théâtre où l’intime se mêle à la politique. Bien qu’écrite peu après le départ du pouvoir de Margaret Thatcher, dont le néo-libéralisme triomphant avait mis en pièce les services sociaux, la pièce reste d’une actualité brûlante pointant l’école qui part en vrille et les services sociaux qui continuent à se déliter. La fracture sociale se cristallise, avec des riches qui ne savent même plus comment vit le commun des mortels et des pauvres laissés au bord du chemin. Pour autant on n’est pas dans une pièce à thèse. Les personnages existent avec leurs doutes, leurs colères, leurs fragilités, car comme Ken Loach, David Hare a pour ses personnages beaucoup d’empathie et leurs propos sont empreints d’un humour indestructible.

C’est ce regard caustique sur les « maux du capitalisme moderne » dans nos sociétés vus à travers une histoire d’amour qui a intéressé Claudia Stavisky. Elle a mis en scène la pièce dans un lieu unique, une pièce à vivre avec une grande baie vitrée, juste ce qu’il faut pour faire de cet appartement une glaciaire, comme le dit l’homme. Sa mise en scène très cinématographique, avec des passages au noir et une chanson pour marquer le passage d’une scène à l’autre, donne toute son importance au jeu des acteurs. Sacha Ribeiro interprète l’adolescent qui en duo avec Marie Vialle ouvre la pièce et la referme. Patrick Catalifo est Tom. Il parle beaucoup, a un sens de l’humour irrésistible et le sens des formules qui font mouche. Il veut reconquérir Kyra, mais ne peut s’empêcher d’afficher sa réussite sociale et de porter des jugements sur les choix de vie de Kyra. Marie Vialle est Kyra, elle écoute puis se lasse, se laisse attendrir par le souvenir puis s’emporte. Révélant sans fard leurs émotions ils sont formidables de naturel et rendent d’autant plus forte la portée politique de la pièce.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 29 mai au Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin Roosevelt, 75008 Paris – du 11 au 15 mai à 20h30, du 18 au 29 mai à 21h 

Réservations : 01 44 95 98 21 ou www.theatredurondpoint.fr

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