Un bruit de vagues lointaines, une femme entre en scène enveloppée dans une couverture de fourrure et la ressemblance de l’actrice Sophie Caritté avec son personnage, Simone Veil, frappe tout de suite. La Ministre et son mari avaient une résidence secondaire à Cambremer, une demeure modeste nichée au cœur du pays d’Auge. Elle la considérait comme un refuge, y a écrit son autobiographie Une vie et, avec son mari Antoine Veil, a légué à la bibliothèque de la ville leur importante bibliothèque personnelle. C’est donc assez naturellement que, s’appuyant sur cette autobiographie, sur ses entretiens à différents media et sur ses discours à l’Assemblée Nationale, Arnaud Aubert, directeur de la Compagnie Tanit installée à Lisieux, a souhaité faire entendre la parole intime de cette femme de conviction que fut Simone Veil.
On ne suit pas la vie d’une femme, on écoute sa parole, son féminisme pas déclaratif mais émotionnel, sa défense du droit à l’avortement, son refus de se laisser réduire au silence par des hommes qui, à l’Assemblée, ne lui ont pas épargné les quolibets les plus sordides, osant comparer les fœtus aux bébés brûlés par les nazis dans les chambres à gaz. Peu à peu apparaît une femme courageuse, déterminée, aimant le débat, peu prête aux concessions quand il s’agit de ses convictions profondes. Peu dupe des combats politiques, elle dit qu’elle sait qu’elle doit son poste de Ministre au fait qu’il fallait une femme.
Sur la scène un praticable blanc se fait toboggan ou perchoir à l’Assemblée, le chatoiement des lumières nous fait passer d’un espace mental à l’autre. Sophie Caritté, collier et perles aux oreilles, petit chignon strict de la femme politique ou cheveux dénoués, incarne l’intime de cette femme qui n’a pas le goût des mondanités, aime la littérature, la mer et les jardins, les débats comme les doux moments à bavarder dans son lit avec ses enfants. On croit entendre sa voix. Combative quand elle s’efforce de rester froide face aux duretés des combats politiques, émouvante quand elle parle de son amour pour sa mère morte quelques jours avant la libération du camp, de la marque indélébile de l’expérience des camps de la mort ou de ses amitiés fortes avec des femmes qui n’étaient pas de son bord politique mais avaient vécu comme elle l’expérience de ces camps.
Le spectacle offre un portrait sensible de cette femme qui fut au cœur de tout un pan de l’histoire française, de la déportation aux luttes politiques au service des femmes et à l’espoir européen. Une belle leçon d’humanisme à offrir aux jeunes.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 15 janvier 2025 au Studio Hébertot, 78 bis boulevard des Batignolles, 75017 Paris – les mardis et mercredis à 19h – Réservations : 01 42 93 13 04 ou www.studiohebertot.com
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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