Dans une salle de classe, Nathan un élève de Terminale vient un soir rendre visite à sa professeure principale pour lui annoncer qu’il quitte le lycée pour se lancer dans les affaires. Il veut s’installer à Dubaï pour la vente de sneakers sur Internet et refuse de prendre la succession de son père agriculteur. Il gagne déjà plus d’argent que lui, qu’elle aussi lui précise-t-il ! Il veut réussir vite et fort comme Elon Musk. Un dialogue s’engage, caustique et nerveux, entre l’élève et son professeur. Elle veut le retenir, qu’il aille au bout de son année. Il provoque, elle n’est pas en reste. Le dialogue se fait aussi plus intime, passant de l’école au rôle des enseignants et aux choix de vie que l’on doit faire à un moment.
C’est à l’occasion d’un travail avec l’autrice et comédienne Kelly Rivière, pour la traduction de Mort d’un commis voyageur, que le metteur en scène Philippe Baronnet a eu l’idée de lui commander un texte sur les relations conflictuelles entre parents et enfants. Dans Si tu t’en vas Kelly Rivière va bien au-delà, abordant les relations complexes entre les enseignants et leurs élèves, mais aussi des questions morales plus larges sur nos sociétés capitalistes où l’argent devient le seul ressort pour s’en sortir et exister. La pièce a été répétée au lycée de Coutances, lors d’un travail en résidence. Ce fut l’occasion pour Kelly Rivière de constater que sa pièce sonnait juste et pour Philippe Baronnet de recueillir des témoignages d’élèves qui ont été filmés et sont présentés au début du spectacle comme un moyen d’introduire le spectateur dans la classe. La pièce ne nécessitant pas de décor spécifique peut être jouée dans une classe ou comme ici au théâtre. Pour la version scénique le metteur en scène a joué sur la lumière, cassant le quatrième mur en laissant la salle éclairée pour la première partie, l’obscurité s’installant dans la seconde partie pour faire plus de place à l’intime et à l’émotion.
Les deux acteurs sont très convaincants. Pierre Bidard donne à Nathan les emballements et les hésitations de la jeunesse, la suspicion à l’égard des jugements des adultes, la révolte contre les pères et la défense par la provocation. Kelly Rivière offre un très beau portrait d’enseignante intelligente, qui cherche à convaincre et joue de tous ses atouts, l’humour, l’empathie et la causticité. Dans ce jeu elle s’expose aussi révélant ses fragilités.
Une pièce d’aujourd’hui qui suscitera bien des discussions entre parents ou enseignants et adolescents. Et en prime un bel hommage aux enseignants !
Micheline Rousselet
Jusqu’au 2 décembre au Théâtre de la Reine Blanche, 2bis passage Ruelle, 75018 Paris – mardi et jeudi à 19h, le samedi à 18h – Réservations : 01 40 05 06 96 ou reservations@scenesblanches.com
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