L’autrice Caroline Stella est parti d’un documentaire sur la maladie des enfants de la lune, joli nom pour une maladie terrible d’hyper-sensibilisation aux ultra-violets, rapidement mortelle pour eux. Elle condamne ces enfants à vivre la nuit ou cachés sous une combinaison étanche aux ultra-violets, proche de celle qui équipe les cosmonautes, les privant de toute vie sociale avec des enfants de leur âge. Pourtant malgré la dureté de leur situation, comme beaucoup d’enfants malades, ils développent un courage, une envie de vivre et un espoir dans les progrès de la médecine stupéfiants.
Caroline Stella réussit un petit bijou avec ce texte sur un sujet difficile. Shahara, la jeune adolescente atteinte de cette maladie rencontre une autre adolescente Mélie venue au service d’oncologie pédiatrique pour une intervention moins sérieuse. Sans aucune mièvrerie une amitié va naître. Mélie va faire de l’opération de Shahara un voyage vers la lune. Dans leurs échanges, totalement dénués de pathos et de puérilité, on trouve le sérieux et la lucidité des enfants face à la mort qui menace, mais aussi un goût très juvénile pour les gros mots (putain ou cul), une envie de s’échapper, pourquoi pas vers cette lune objet du danger, et un humour indispensable pour continuer à vivre.
La metteuse en scène Sarah Tick, elle même médecin en oncologie et comédienne, a été touchée par le texte de Caroline Stella, qui se met dans la peau de ces enfants dont la maturité face à la maladie et à la mort stupéfie et émeut profondément ceux qui les côtoient. Sa mise en scène a une délicatesse parfaitement proche de celle du texte en donnant une place essentielle au rêve. L’univers aseptisé de l’hôpital est suggéré par des blouses blanches de médecins qui passent de loin en loin, un cube évoquant un banc de salle d’attente, un écran de contrôle derrière des lais de plastique transparent. Mais la lune est aussi omniprésente par le sol sablonneux sur lequel évoluent Shahara et Mélie, ou personnalisée par un musicien (Guillaume Mika). Des écrans de contrôle de la salle d’opération à ceux de la NASA, du compte à rebours de la NASA aux échanges de l’équipe médicale dans la salle d’opération, le parallèle fonctionne à merveille. La vidéo de Renaud Rubiano (vidéaste de Joël Pommerat) et Pierric Sud fait s’envoler l’imagination et monter l’émotion a un niveau qui a laissé les enfants autour de moi bouche bée. Elle nous montre les tâches sur la peau de Shahara, les paillettes sur la blouse des médecins, elle montre les radios mais nous transporte aussi de la tour de contrôle du décollage d’Apollo à la lune et fait voler Shahara au milieu de milliers de constellations. Nadia Roz, sous son casque de cosmonaute ou tête nue, est Shahara faisant passer son inquiétude sous un vernis d’ironie parfois un peu agressive avant de fendre l’armure pour se laisser aller à l’amitié et au rêve. Barbara Bolotner incarne une Mélie inquiète sur son sort qui va chercher à se rassurer et à devenir l’amie de Shahara en inventant pour elle un voyage sur la lune. Au final elle devra s’inquiéter pour deux, mais une amitié est née.
Un spectacle intelligent, poétique et beau sur un sujet a priori difficile mais qui échappe complètement au pathos grâce à l’intelligence du texte et de la mise en scène, à une vidéo et un travail sur la lumière somptueux et à deux très bonnes comédiennes.
Micheline Rousselet
Spectacle vu aux Plateaux Sauvages à Paris – Du 23 au 26 mai à L’Étoile du Nord, 16 rue Georgette Agutte, 75018 Paris – mardi 23 mai à 14h, mercredi, jeudi et vendredi à 10h – Réservations : 01 42 26 47 47 – 6 et 7 avril au Théâtre Chevalet de Noyon – Tournée à suivre,
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