
Sans complaisance ni voyeurisme, cette pièce remet en lumière la tuerie antiféministe de 1989 à l’Université de Montréal interrogeant la violence sexiste systémique et l’impact qu’une telle tragédie a sur ceux qui restent.
Tout démarre avec la sidération de la mère qui éclate d’un rire dément « tu es devenu un monstre sans me le dire ». Puis vient le sentiment de culpabilité. Ce sont toujours les mères que l’on questionne, mais où sont les pères ? Celui-là cognait sa femme et a peut-être imprimé dans la tête de son fils la haine des femmes et de leur corps. Le fils insulte sa sœur qu’il traite de « pute », de « connasse ». Un jour il est entré à l’Université, a séparé les élèves en deux groupes, a fait sortir les garçons, a proclamé « Vous avez détruit ma vie vous les féministes » et a massacré les filles.
Que reste-t-il après cela ? La sœur a fui dans la drogue et en est morte. La mère est détruite.
Le texte de Claire Bosse-Platière s’intéresse à la question de la mémoire de la tuerie. Une fille lit le carnet du prof qui était sorti et n’a pas pu ensuite résister au sentiment de culpabilité. Elle s’interroge sur l’après, ces masculinistes qui admirent le tueur et ces politiques qui instrumentalisent la tuerie avec un discours sécuritaire : « Armons les policiers, les gardiens des écoles des stades. Apprenons à nos enfants à se défendre ». Et ce tueur, monstre ou humain ?
La scène est nue. Tout se joue grâce aux lumières qui éclairent un personnage ou l’autre. La fille démarre la lecture de la lettre de son frère mais l’éclairage la quitte pour aller sur lui qui poursuit la lecture dans une lumière rouge qui annonce le sang qu’il va verser. Les filles accroupies à terre forment un groupe terrorisé dont l’une a le courage de se lever pour interroger en vain ce tueur qui n’est plus qu’un bloc de haine. Parmi les comédiens et comédiennes (Salomé Benchimol, Paul Delbreil ou Matthew Luret, Claire Bosse-Platière ou Élisa Habibi, Fanny Kervarec, Gwenaëlle Martin, Emma Prin et Nadège Rigault) on relève surtout Paul Delbreil impressionnant de froideur dans le rôle du tueur et Claire Bosse-Platière dans celui de la mère déchirée qui ne peut s’empêcher d’aimer son fils et de haïr le monstre.
A l’heure où les masculinistes s’expriment sans filtre, et encore plus depuis la victoire des Trump et autres Musk, cette pièce apparaît tout à fait nécessaire.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 30 mars au Théâtre de l’Atalante, 10 place Charles Dullin, 75018 Paris à 19h – Réservations : reservation@theatre-latalante.com – du 17 au 20 avril au Studio d’Asnières, 20 et 21 septembre au Théâtre du Duende à Ivry, 25 et 26 septembre à L’Anis Gras à Arcueil, plus tard dans la saison au 3T à Saint-Denis
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