Le cycle du vivant qu’Annabelle Sergent démarre avec Sauvage, qui sera suivi de La bête, se veut le miroir lumineux du cycle précédent « À quoi rêvent les enfants en temps de guerre ».Avec toujours en ligne de mire les enfants et adolescents mais aussi tous les publics, elle souhaite cette fois opposer à la violence et à la résistance des combattants, présents dans le cycle précédent avec Shell shock et Waynak, une présence au monde pleine de poésie et de douceur.

Une jeune femme en proie à l’insomnie se demande pourquoi elle a toujours envie la nuit de quitter ses chaussures et de marcher dans la terre pour ne pas étouffer, comme dans cet internat où elle a passé son adolescence. Elle retrouve alors le trio qu’elle formait, sous son nom d’aventures Dragonfly, avec Fil et Tak. Elles avaient fait le mur, pénétré dans une usine abandonnée proche de l’internat, qu’elles avaient baptisée l’araignée, et réussi à se glisser dans la forêt. Nuit après nuit elles reprenaient l’aventure avant de retrouver le jour venu leur « peau de collège », jusqu’au jour où tout s’est arrêté.

La mise en scène d’Annabelle Sergent, qui interprète aussi tous les personnages, construit cet univers poétique et étrange grâce aux costumes, à la scénographie et au travail sur les lumières (Yohann Olivier) et le son. Des tiges de métal suspendues un peu au-dessus du sol se balancent, inquiétantes, évoquant les arbres. La lumière nous plonge dans la nuit de la forêt percée parfois par le déclenchement des pièges photographiques ou les lampes de poche des trois adolescentes. Le travail sur le son contribue aussi au mystère et à l’inquiétude avec le bruit des pales d’hélicoptère et les aboiements des chiens qui recherchent les trois fugueuses.

On entre dans un monde mystérieux où envie de liberté et besoin d’aventure se déploient de façon poétique sous la plume de Karine Serres, à qui Annabelle Sergent a commandé le texte. Dans cette forêt tout est mystère, inquiétude et beauté. Les adolescentes entendent les animaux, les sentent, les imaginent. Même cernées par le réel et les adultes, elles tenteront de défendre leur territoire secret et, devenue adulte, Dragonfly aura toujours envie de courir dans la nuit pieds nus dans le vent et la pluie pour ne pas étouffer.

Micheline Rousselet

Spectacle vu le 7 novembre au théâtre Claude Chabrol d’Angers – Tournée ensuite avec de nombreuses dates jusqu’en mai 2024 à travers la France entre autres à Tarbes, Brive, Verdun, Ernée, Blanquefort, Château-Gontier, Saint-Nazaire, Albi, etc

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