Ce n’est pas un biopic de Jean-Michel Basquiat, mais un hommage que lui rend ce spectacle imaginé par Laëtitia Guédon qui mixe texte, musique, danse et graffitis. Né à Brooklin dans la middle class américaine, d’un père haïtien violent et d’une mère portoricaine, qui l’emmenait au musée mais finira folle, Basquiat se sépare jeune de sa famille, traîne dans Soho et Manhattan, où il couvre les murs de graffitis, qu’il signe Samo©, same old shit. Il a conscience de son talent, rêve de « se hisser jusqu’à la couronne de son destin », ironise avec rage contre ceux qui parlent à son sujet de primitif et de vaudou. Il se révolte contre ce que ces interrogations révèlent de préjugés raciaux. À ceux qui lui demandent de peindre « quelque chose de son pays », il répète qu’il est Américain et qu’il n’a jamais mis les pieds à Haïti. Il apprend rapidement à mentir, à servir aux media « la soupe » qu’ils attendent, construisant très vite sa légende. Il devient une figure majeure de l’underground new-yorkais. Il est aussi musicien, grand amateur de jazz, amoureux de la musique de Charlie Parker et Miles Davis, et danseur, s’intégrant dans la culture hip-hop naissante.
Le texte de Koffi Kwahulé est centré sur la période où se construit l’image de l’artiste, avant sa rencontre avec Andy Warhol. Magnifiant le rythme des mots, il se fait musique, heurtée et violente comme un écho aux plaintes et aux déchaînements du saxophone de Nicolas Baudino, qui passe du jazz à l’électro. Le texte devient musique, la musique devient danse avec le danseur hip-hop à la coiffure rasta, Willy Pierre-Joseph, qui se tord comme une flamme qui s’élève et retombe à l’image de Basquiat mort à 37 ans. Yohann Pisiou dit le texte. Beau et athlétique, sa ressemblance avec l’artiste saute aux yeux. Il apparaît muni de gants de boxe, comme sur l’affiche où Basquiat s’affichait aux côtés de Warhol, mais aussi comme un rappel à la fois de son admiration pour les boxeurs, Cassius Clay ou Ray Sugar Robinson et de sa volonté de combattre tous les clichés qui accompagnaient sa carrière, dans une ambiguïté totale, puisqu’il alimentait en même temps cette légende ! Le musicien, le danseur et l’acteur incarnent les trois aspects du talent de Basquiat. Eriq Ebouaney apparaît, raide avec sa barbe blanche en figure du père vantant la discipline à ce fils qui ne jure que par la liberté, et est sûr qu’un jour il sera célèbre. Révélation de la distance qui les sépare, ils se parlent au micro, chacun d’un côté de la scène et pourtant ce père sera là pour l’admirer quand il sera exposé. Basquiat est né, Samo is dead.
Ce portrait de Basquiat nerveux, vibrant, intense, brûlant du désir de vivre son art à toute vitesse laisse comme une brûlure.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30
Théâtre de la Tempête
La Cartoucherie, Route du Champ-de-Manœuvre
75012 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 43 28 36 36
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