Cet été le château de Grignan se met à l’heure de l’Espagne du XVIIème siècle pour accueillir le drame romantique de Victor Hugo. La reine d’Espagne vient d’exiler Don Salluste qui a déshonoré une de ses dames d’honneur et refusé ensuite de l’épouser, la jugeant indigne de son rang.
Don Salluste a décidé de se venger et ourdit un complot machiavélique pour perdre la reine. Connaissant l’amour que son valet Ruy Blas porte à la reine, il va le faire passer pour son cousin, Don Cesar, éloigné de la Cour depuis longtemps. À la différence des Grands d’Espagne qui ne cherchent que leur propre intérêt, Ruy Blas va se dévouer à l’intérêt de la couronne et de la reine, qui se met à l’aimer. Mais Don Salluste est tapi dans l’ombre, prêt à perdre la reine et Ruy Blas.
La pièce de Victor Hugo a attiré nombre de metteurs en scène non seulement pour son caractère romantique mais aussi pour son aspect politique. On y entend la dénonciation de la corruption, des trahisons, des manipulations auxquelles se livrent les élites pour préserver leur pouvoir et cela encore plus si la souveraine est une femme. Sans occulter la dimension politique de la pièce, Yves Beaunesne a choisi de jouer plutôt sur l’émotion, exaltant cette histoire d’amour, « l’histoire d’un ver de terre amoureux d’une étoile », d’une reine déçue par un mari plus passionné par la chasse que par l’amour ou la conduite des affaires du Royaume, une histoire qui ne peut finir que tragiquement. Yves Beaunesne a réussi également à ne pas surcharger le caractère dramatique de la pièce et à en respecter les aspects comiques. La reine apparaît comme une jeune femme qui rêve du grand amour, s’agace avec vivacité de la profusion des règles qui ne lui laissent aucune liberté, la duègne sévère et rébarbative se lâche une fois en laissant apercevoir des bas rouges sous son austère robe noire. Enfin puisque nous sommes au XVIIème siècle et dans un château, le metteur en scène a donné une belle place à la musique (création de Camille Rocailleux) jouée par Anne-Lise Binard à l’alto et Elsa Guiet au violoncelle et chantée sur scène.
La façade Renaissance somptueuse du château offre un écrin magnifique au drame et lorsque sa porte s’ouvre sur la reine en robe brodée d’or, suivie de la duègne vêtue de noir et de sa dame d’honneur, Casilda, en robe rouge, un frisson saisit les spectateurs. Noémie Gantier, que l’on a pu admirer chez Julien Gosselin, incarne cette reine, pleine des désirs de la jeunesse, qui se morfond enfermée dans un palais où on lui interdit tout plaisir, à la fois fragile et déterminée. François Deblock, qui s’est illustré avec Jean Bellorini, réussit bien à trouver l’équilibre, dans son interprétation de Ruy Blas, entre élan amoureux, ambition de servir son pays et la reine et désespoir de celui qui fait l’expérience du machiavélisme des puissants. Jean-Christophe Quenon porte avec brio la partie comique du texte de Hugo en incarnant un Don César plein de gouaille, esprit libre à la fantaisie débridée. Enfin Thierry Bosc offre une interprétation à la fois puissante et subtile de Don Salluste. Lâche quand il est en position de faiblesse, arrogant et sûr de sa position sociale quand il domine, mains dans le dos et attitude fuyante tel un serpent, quand il prépare dans l’ombre sa vengeance, il est impressionnant.
Dans le cadre splendide du château de Grignan, celui où Madame de Sévigné venait, justement au XVIIème siècle, rendre visite à sa fille bien aimée, on aime, tandis que la nuit tombe, à se laisser emporter par la pièce de Hugo dans une mise en scène qui fera date, servie par une troupe de très bons acteurs.
Micheline Rousselet
Du lundi au samedi à 21h, relâche les dimanches et du 27 au 29 juillet et le lundi 19 août
Château de Grignan (26230)
Réservations :
Par internet chateaux-ladrome.fr
Par téléphone 04 75 91 83 65
Boisson et restauration légère dans le jardin au Bar du Bosquet à 19h30
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