« Le problème des jeunes aujourd’hui, c’est qu’ils n’ont pas de rêve », c’est ce qu’a dit l’animateur culturel en entrant dans la classe. Des rêves, Jasmine en a. Elle veut quitter cette banlieue où elle se sent enfermée, cette école où elle s’ennuie, elle voudrait entrer dans l’Histoire. Elle est belle, indépendante, rebelle et c’est d’abord elle qu’on voit dans la classe. Alors elle s’invente « un grand projet », pas faire sauter la Tour Eiffel non , « juste la faire pencher ». Pour ce grand projet, elle va abandonner son look gothique et se renseigner sur les réseaux sociaux. Si apte à entraîner les autres, ceux de sa classe, elle va se laisser entraîner dans un projet qui n’était pas vraiment le sien et qui va la dépasser. Elle découvrira qu’une fois passées certaines limites, le retour en arrière n’est plus possible.

Catherine Benhamou, comédienne, metteuse en scène et autrice a eu pour cette pièce le Grand prix de littérature dramatique en 2020. Dans ce monologue où Imène prend la parole à la place de son amie Jasmine, la langue est vivante et rythmée. On passe du ton moqueur des adolescents à l’endroit des adultes, qui ne comprennent pas, à un ton plus grave pour évoquer l’histoire de Jasmine qui a cru aux belles histoires qui circulent sur les réseaux sociaux et s’est retrouve piégée loin de cette belle histoire, de cette romance qu’elle avait imaginée. Imène s’adresse à nous, à la mère de Jasmine, à tous ceux qui l’ont connue, elle parle de la violence de notre société envers ces adolescents, des ravages des réseaux sociaux et des violences qui s’exercent sur les filles des cités.

Le plateau est nu à l’exception d’un lit d’appoint replié sur lequel monte l’actrice. Ce sont les lumières et les sons qui nous plongent dans le monde d’Imène et de Jasmine, passage au noir, rais de LED à la lumière crue, qui sont comme les barreaux d’une prison, bruits de voix qui se mêlent, hurlements lointains de sirènes de police.

Dans sa mise en scène Laurent Maindon a voulu donner toute la place à la comédienne, Marion Solange-Malenfant. Vêtue d’une doudoune brillante vert foncé et d’un jogging gris, dont elle se dépouille ensuite, elle dépasse les clichés de la banlieue. Dans son monologue elle porte plusieurs voix, celle d’Imène parlant de son amie mais aussi de sa construction en tant que femme, celle de Jasmine lucide comprenant qui est vraiment celui qu’elle a cru aimer mais dans l’impossibilité de sortir du piège où elle s’est enfermée. Tantôt parlant tantôt sautant, courant, se battant contre les ombres, la comédienne porte toute la colère et la révolte qui habitent Imène.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 2 juillet au Théâtre Les Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, 75001 Paris – à 21H15 Réservations : 01 42 36 00 50 ou www.lesdechargeurs.fr

Du 7 au 26 juillet dans le festival Off d’Avignon au Nouveau Grenier, 9 rue Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, à 14h30

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