L’histoire débute quand Bolingbroke, fils aîné de Jean de Gand et cousin du Roi Richard II, accuse le Duc de Norfolk d’avoir assassiné leur oncle, Thomas de Gloucester. Alors qu’un duel judiciaire se profile, le Roi Richard II, en réalité commanditaire du crime, l’interrompt et condamne les deux adversaires à l’exil. Quand l’année suivante, le père de Bolingbroke meurt, le Roi s’empare de sa fortune pour financer sa guerre en Irlande. Bolingbroke, qui est aimé du peuple, décide de rentrer en Angleterre pour retrouver ses droits. Le Roi sourd à ses conseillers, n’écoutant plus désormais que ceux qui le flattent, ne voit pas les nobles et le peuple qu’il a accablé d’impôts, le lâcher. Il est désormais seul tandis que l’armée de Bolingbroke avance.

De cette pièce de Shakespeare, peu souvent jouée, peut-être en raison de la complexité du contexte historique dans lequel elle se situe, Christophe Rauck offre une mise en scène très classique et pourtant impressionnante. La scène est comme une boîte noire. Les personnages éclairés durement sortent de l’ombre pour leurs joutes de pouvoir ou pour un duel souligné par des éclairages stroboscopiques. De cette noirceur se détache Richard, personnage solitaire vêtu de blanc, apparaissant peu à peu comme un lointain cousin d’Hamlet. Manipulateur cynique au début puis, victime des trahisons et revirements multiples, il devient ce roi mélancolique prêt à se laisser déposséder sans combattre. Au sommet du pouvoir il dominera en haut des gradins avant de les avoir devant lui comme ceux de la Chambre des Communes et de se retrouver enfin à leur pied, vaincu, en chemise, dépouillé de sa couronne. Autour de lui se développe toute une dialectique autour du pouvoir et de l’abandon du pouvoir. Les machinations se trament, les trahisons se nouent. Bolingbroke ne demande que la restitution de ses titres et de ses biens, mais il décide ensuite d’obliger le roi à lui remettre sa couronne, alors qu’il n’y a aucun droit, ce que lui rappelle l’évêque.

 Des projections magnifiques rythment la représentation. Les vagues d’une mer démontée envahissent toute la scène faisant écho aux tourments du Roi qui glisse vers la folie. Les ombres d’arbres majestueux créent le décor de la très belle scène où, tandis que la Reine s’inquiète, les jardiniers se demandent pourquoi maintenir l’harmonie du jardin alors que le royaume est dans un si grand désordre.

Micha Lescot incarne toute la complexité de Richard II. Debout, cheveux gris et costume blanc, magnifique de morgue, impressionnant de cynisme, il domine en haut des gradins au faîte de son pouvoir. Vaincu il s’accroche une dernière fois à sa couronne après l’avoir offerte à Bolingbroke, avant de finir détrôné, au bord de la démence, pieds nus et en chemise. Longue silhouette blanche il voit se dresser face à lui, incarné par Eric Challier, la silhouette massive et sombre de Bolingbroke, l’aimé du peuple et des nobles, qui lui enlèvera le pouvoir. Si toute la distribution est homogène, on peut relever la belle présence de Thierry Bosc qui, avec sa voix profonde, incarne Jean de Gand, le père de Bolingbroke, puis son frère York. On remarque aussi l’élégance de Cécile Garcia Fogel. De sa voix musicale, elle incarne à la perfection l’inquiétude de la Reine, plus clairvoyante que son époux, et sa révolte contre l’exil qui va la reléguer loin de son époux.

Fidélité à la langue de Shakespeare, beauté de la scénographie et de la mise en scène tout est ici au service de la peinture de la cruauté de la route vers le pouvoir.
Micheline Rousselet

Jusqu’au 15 octobre au Théâtre Nanterre-Amandiers, 7 avenue Pablo Picasso, 92022 Nanterre – du mardi au vendredi à 19h30, le samedi à 18h, le dimanche à 15h – Relâche le 2 octobre – Réservations : 01 46 14 70 00 ou sur nanterre-amandiers.com 

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