Théâtre : Reconstitution

Deux anciens amants se retrouvent. Elle veut rejouer avec lui leur rencontre, les moments où ils se sont tant aimés et il est d’accord. Ils veulent remettre de l’ordre dans les souvenirs de leur amour. Elle lui dit qu’il va falloir se souvenir de tout, lui demande de jeter les clés, de ranger les portables, de prendre la posture de l’enfant heureux, image de leur passé radieux, puis celle du cadavre, image de la mort de leur amour ou de la mort pure et simple ? La cérémonie des adieux devient une cérémonie funèbre déchirante. Ils se sont quittés mais il reste les souvenirs, matérialisés sur deux tables – celle de Véro avec sa pile de cartons emplis de photos de leur vie de couple et des livres, celle de Guy avec deux cartons seulement – et surtout la mémoire du corps de l’autre contre qui on veut encore se serrer et pleurer,

Théâtre : Reconstitution
Théâtre : Reconstitution

Pascal Rambert a rencontré Véro Dahuron et Guy Delamotte au Panta théâtre de Caen, qu’ils animent, lorsqu’il a accompagné Audrey Bonnet qui venait y jouer sa pièce Clôture de l’amour . Il a aimé ce lieu, ces acteurs et, à la demande de Véro, a promis d’écrire pour eux. Le résultat est ce très beau texte que Pascal Rambert a aussi mis en scène. Que reste-t-il d’un grand moment d’amour ?

Cela tient sur quatre tables, les deux tables des souvenirs, la table du repas et la table de la reconstitution. Il y a les moments de tendresse jamais oubliés, les griefs tout aussi mordants, les temps où l’on préparait le repas et, dans la soupe, elle met des souvenirs, quelques pages des livres qu’ils aimaient, le poème qu’il lui avait écrit et une chanson de Barbara. C’est toxique et déchirant, « le passé pue ». Elle dit tout le chagrin de l’abandon, la douleur de ne plus entendre leur fille partie au loin et qui ne parle plus qu’à son père. Pour la reconstitution tout semble facile. Il faut retrouver le premier éblouissement. Pour cela il faut un cadre, Guy le cloue rapidement ! Deux cirés, un jaune pour elle, un bleu pour lui, un ventilateur et une machine à faire de la fumée et ils revivent le moment où, dans la brume, ils ont dû se protéger de la pluie dans une chapelle et où Guy est tombé amoureux. Mais elle sait que rien ne reviendra jamais et que tout cela est « faux et ridicule ». Les deux acteurs se sont lancés dans cet exercice périlleux qui fait que, jouant devant le spectateur, avec leurs véritables prénoms, ce qui pourrait être leur propre vie, ce dernier ne sait plus quelle est la part d’intimité qui se dévoile ici. Pascal Rambert joue avec délice de ce trouble. Guy Delamotte est parfait de sobriété. Il accepte le deal qu’elle lui a proposé, il est tendre et attentif, mais c’est lui qui est parti ! Véronique Dahuron mène le jeu, écorchée vive encore pleine d’amour et de pleurs. On la suit au bord des larmes dans ce long monologue où, sans aucune ponctuation, elle s’interroge et interroge Guy sur le désir et pourquoi on fait l’amour. Sa voix accélère, se brise un peu, repart, elle se met à nu, elle est magnifique.

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h

Théâtre de l’Aquarium

La Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre, 75012 Paris

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 43 74 72 74

Les 15,16 et 17 mai à 18h, les deux acteurs jouent aussi Broken la pièce qu’ils ont mis en scène à Caen en octobre 2017

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