Un homme à sa fenêtre regarde derrière le rideau les gens au dehors. Quel est ce dehors ? Le parking d’un supermarché, un entrepôt, l’immeuble d’en face ? Ces gens, des anonymes, des sans-voix, des personnages en situation précaire, il les regarde pour imaginer qui ils sont et il leur donne des noms. Dans l’immeuble en face il y a une femme « de moins en moins jeune ». Il la nomme Léonore et l’imagine caissière à l’essai, assise sur son trône. Devant elle défilent ses sujets (pardon les clients !) avec leurs offrandes (pardon leurs courses !). Il voit aussi une « vieille de plus en plus vieille », une clocharde, qu’il nomme Dominique, et qui ne fait pas la manche. Installée dans une cabane en plastique, elle range les caddies en échange des produits périmés du supermarché.

L’écrivain mais aussi metteur en scène, Ascanio Celestini, nous conte leur histoire et leurs rencontres et c’est tout ce monde que nous oublions de voir, sauf quand survient un drame, qui défile à travers la voix du narrateur. Il veut ainsi qu’il le dit « sauvegarder la culture qu’ils ont dans le cœur et la magie qu’ils cachent dans leur tête ». Ce texte est le second volet d’une trilogie, dont la première partie était Laïka joué l’an passé au Rond-Point.

David Murgia se lance dans le torrent tumultueux de ce texte qui fait naître aux côtés de Léonore et Dominique, tout un monde : le gitan de huit ans qui fume, la tenancière d’un bar qui surveille ses machines à sous, Saïd le manutentionnaire sans papiers qui rêve de gagner de quoi offrir une bicyclette à Dominique. David Murgia raconte vite, raconte encore, dans l’urgence de tout dire, de donner à ces invisibles une vie qui mérite qu’on la connaisse et de révéler la magie qui est dans leur tête et les rend beaux. À ses côtés Philippe Orivel l’accompagne à l’accordéon et au piano avec des musiques de Gianluca Casadei, sur lesquelles chante parfois l’acteur, ajoutant encore à l’émotion.

A travers ces personnages et leur histoire c’est l’exploitation, l’aliénation, l’injustice, la violence de nos sociétés qui éclatent. Ces précaires privés de parole et de visibilité deviennent vivants et beaux par la voix vibrante de David Murgia, qui avec Philippe Orivel, leur restitue toute leur grandeur. Performance d’acteur époustouflante et grande émotion garantie ! 

Micheline Rousselet

Jusqu’au 23 octobre au Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris – à 20h30, le dimanche 23 à 15h30, relâche les 16 et 17 octobre – Réservations : 01 44 95 98 21 ou theatredurondpoint.fr – En tournée ensuite : 6 au 17 décembre au Théâtre des Célestins à Lyon, 21 avril au Théâtre Sorano de Toulouse

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