Le psychodrame dont il est question ici est une pratique thérapeutique utilisée en centre psychiatrique pour aider des personnes à mettre à distance leurs souffrances en utilisant le corps et le jeu. Devant un groupe de thérapeutes et son médecin référent, le ou la patiente propose une scène à laquelle il ou elle a pensé, anodine ou liée à un traumatisme enfoui dans son inconscient. Il ou elle désigne parmi les thérapeutes présents ceux qui vont incarner les protagonistes de la scène et dit s’il veut jouer ou non un des rôles. Ce peuvent être des personnes, mais aussi des animaux, des plantes ou des choses. Il y a un meneur de jeu, un ou une thérapeute, qui tel un metteur en scène observe et fait des suggestions. Le ou la patiente peut décider de changer de rôle pour avoir un autre point de vue. Lorsqu’il ou elle s’en va, les soignant.e.s avancent des hypothèses, discutent et disputent.

Lisa Guez s’est appuyée sur son expérience théâtrale en centre psychiatrique pour explorer toute la puissance cathartique de ces psychodrames. Avec la même équipe que pour Les femmes de Barbe-Bleue, prix des lycéens et du jury au Festival Impatience en 2019, elle nous entraîne dans une salle d’activité d’un hôpital, au décor anonyme et un peu décati. Les six formidables comédiennes échangent tenue de ville et blouse de patiente pour incarner les dix rôles, six thérapeutes et quatre patientes que l’on va suivre dans les psychodrames qu’elles ont imaginées. Il y a une adolescente en révolte, une femme-serpent, une jeune femme qui harcèle de son désir une autre femme et une jeune mère dépassée. Elles sont agressives, délirantes, fatiguées, excitées et, à travers le jeu, avancent dans la compréhension de leurs fêlures. Discussions et rencontres ont également leur effet sur les thérapeutes qui, elles aussi, trimballent leurs affects et leurs soucis. La situation se tend sous le poids de la décision administrative de supprimer l’unité psychodrame et tant pis pour la souffrance des patientes et de celles qui les soignent.

A l’encontre de ce que l’on pourrait craindre et même si cela se répète un peu, on rit beaucoup et on sort ragaillardi de cette sororité qui se déploie. L’utopie d’une psychiatrie différente apparaît toujours vivante et ces femmes sont prêtes à se battre pour elle.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 12 décembre au Théâtre de la Ville- Les Abbesses, 31 rue des Abbesses, 75018 Paris – du lundi au samedi à 20h – Réservations : 01 42 74 22 77 ou theatredelaville-paris.com

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