Une femme est assise sur son canapé et regarde la télévision, avalant publicités et documentaires insipides en attendant l’heure de son feuilleton tout aussi débile. Un homme entre. C’est son mari, il la croyait absente et a amené une conquête. Il semble avoir oublié qu’elle était sa femme, il l’appelle par divers prénoms qui ne sont pas le sien, il prétend que sa partenaire est la baby-sitter à quoi sa femme lui rétorque qu’ils n’ont pas d’enfant !
Le trio amoureux donc, mais traité d’une façon nouvelle. Pas de cris ni d’insultes mais des répliques qui fusent, parfois cyniques, toujours drôles révélant un total manque de respect de l’autre, un égocentrisme abyssal, des haines anciennes dont ils sont eux-mêmes fatigués faisant mine de leur préférer l’indifférence et enfin beaucoup de solitude. Ce qui est nouveau surtout c’est qu’au trio classique s’ajoute un quatrième personnage, la télévision, que l’on ne voit pas mais qui concentre tous les regards. Les personnages s’avèrent aussi plus complexes qu’on ne le pensait au premier abord. La femme est totalement accro à la télévision et aux feuilletons mais lucide sur sa vie. En s’identifiant aux personnages de ces séries ou en cherchant à approcher des vedettes lors d’enterrements de célébrités, elle s’invente une autre vie, plus passionnante. Et cet homme qui ne se souvient plus du prénom de sa femme, ni même qu’il est marié, qui est-il vraiment ? Qu’est-ce que ce couple, qui continue à vivre sous le même toit en s’étant complètement perdu de vue ? Quant à la maîtresse, elle ne comprend pas pourquoi elle ne cesse de « se faire avoir par les hommes » qu’elle rencontre, sinon à constater, tout comme l’épouse, qu’elle « souffre d’un vide sentimental chronique » !
La mise en scène de Michel Burstin met en valeur la pièce de Rémi de Vos avec son mélange de réalisme et d’absurde. Le canapé trône au milieu de la scène. On ne voit pas la télévision mais elle aimante tant le regard de la femme que son mari s’efforce de passer d’un bord à l’autre pour tenter d’accrocher son regard. Des détails ajoutent au comique des répliques. Ainsi le tiroir sous le canapé devient réserve à esquimaux ; on sort brusquement du salon pour se retrouver dans le décor du feuilleton avec vue de la Riviera, femmes en tenues affriolantes et mari affublé d’un bermuda, de lunettes de soleil et d’un sourire bêta ! Bruno Rochette interprète le mari veule, capable des inventions les plus loufoques pour justifier ses désirs. Sylvie Rolland est la maîtresse très sotte mais tellement seule que la femme semble prête à la comprendre. Elsa Tauveron donne toute sa complexité au personnage de la femme, s’abritant dans le monde créé dans les séries mais pas aussi perdue qu’on pourrait le croire ! Tous les trois servent brillamment ce texte à l’humour grinçant qui interpelle notre société du spectacle.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 21h
Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre Dame des Champs, 75006 PARIS
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 45 44 57 34
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