Milly et Franck savourent le confort de leur cottage où s’annonce pour eux une retraite paisible. Ils ont même à leurs côtés pour faire barrage à leur solitude, la présence rassurante d’une étudiante hollandaise qui serait parfaite si elle ne portait pas, pour déambuler dans la maison, des shorts trop courts.

Mais qu’importe puisque, face à un invité silencieux installé sur un canapé su salon, le désaccord majeur entre eux est de savoir si c’est aux Caraïbes ou aux Bahamas que leur fils a passé ses dernières vacances.

Milly a toujours le dernier mot face à un Franck qui ne semble pas y attacher d’importance.

Et pourtant, derrière le calme apparent du déroulement des journées, derrière les chamailleries et les propos ordinaires, leurs voix banales distillent un venin qui va finir par faire craquer sans y toucher, la fine couche de glace qu’ils essaient de préserver.

C’est ainsi que surgissent le souvenir d’un enfant mort, d’un presque viol, de la présence dans les bagages de voyage d’un revolver.

Théâtre : Probablement les Bahamas
Théâtre : Probablement les Bahamas

Martin Crimp est avec Harold Pinter, un maître d’un théâtre anglo-saxon transgressif, drôle et dérangeant. Le maître incontesté de la langue du quotidien pétri de banalité, dans les interstices duquel on voit apparaître sans apparemment prêter immédiatement à conséquence, le racisme ordinaire, une violence contenue et qui met à jour tout ce que masquait soigneusement la platitude des mots échangés.

Toute l’originalité de la pièce de Martin Crimp réside dans la présence silencieuse de ce curieux invité présent sur le plateau mais qu’on ne verra que de dos. Témoin passif et pourtant essentiel des échanges du couple.

Sans cet invité fantôme dont la présence apporte sans doute une certaine prudence dans les propos du couple mais favorise les apartés, la pièce ne nous rapporterait que des phrases vaguement querelleuses et sans conséquence que peuvent échanger un homme et une femme qui traînent à leurs basques les séquelles de plusieurs décennies de vie commune.

Le texte de Matin Crimp ciselé, précis comme une lame affûtée, est relayé ici par la mise en scène discrète et efficace d’Anne-Marie Lazarini, une scénographie agréable et l’interprétation éblouissante de Catherine Salviat qui distille chaque réplique avec la malice et l’autorité qui conviennent si bien. Jacques Boudoux n’est pas en reste dans ce duo huilé par les années et pourtant hérissé de fléchettes.

On sort du théâtre content d’avoir applaudi à tout rompre et non pas comme on le fait souvent, poliment, par respect pour les comédiens.

Un peu plus d’une heure d’enchantement.

Francis Dubois

Artistic Théâtre 45 bis rue Richard Lenoir 75 011 Paris

réservation 01 43 56 38 32 / www.artistic-athevains.com

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative): 01 43 57 42 14


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