L’écrivaine et metteuse en scène Laurène Marx, à l’affiche dans plusieurs théâtres parisiens cet automne, a choisi de nous raconter le parcours de Rita. En 2023 celle-ci reçoit un appel de l’école de son fils de neuf ans, Mathis, lui enjoignant de venir immédiatement. Quand elle arrive, elle le découvre à terre plaqué au sol par le genou d’un policier. Qu’a fait de si grave ce gamin ? Excédé par les insultes racistes d’un camarade de classe, « il a jeté sur lui un parpaing » dit la directrice, plutôt un caillou au final, et non plus « sur » mais « en direction » d’un de ceux qui l’insultaient et que l’école a négligé de réprimer.

Rita est Camerounaise. Elle dit « J’étais jeune, j’étais fière, j’avais peur de rien ». Rita n’était pas une enfant des rues. Au Cameroun, elle avait des ami.es, une respectabilité. Mais le système fait tout pour arrêter les femmes. Des amis de son père l’ont violée un soir, puis, son père est mort. Après de nombreux refus, elle a fini par accepter la proposition de mariage d’un Belge, qui lui faisait une cour assidue et lui promettait monts et merveilles. L’arrivée à Charleroi n’a pas été ce qu’elle espérait. Le froid, la tristesse du paysage, la solitude, la désillusion. En fait, son mari attendait d’elle qu’elle fasse le ménage et la cuisine, s’occupe de sa vieille mère et de sa petite fille et satisfasse ses besoins sexuels. Les insultes racistes de sa belle-mère et de la petite fille, les coups de son mari ont eu raison de ses espoirs. Elle aurait bien voulu rentrer chez elle, mais elle était coincée car il y avait Mathis, qu’elle ne voulait pas laisser.

Avec son interprète Bwanga Pilipili, Laurène Marx a mené des entretiens avec Rita Nkat Bayang, rencontrée dans un rassemblement à Bruxelles. Sur scène Bwanga Pilipili est Rita, élégante dans une robe très colorée, racontant au micro son parcours et ses sentiments. Elle dit sa déception, son sentiment de s’être faite berner, sa colère. Elle est à la fois gracieuse et forte, pleine d’un humour ravageur, virevoltante à la fin. La musique s’immisce offrant des moments de respiration avec quelques voix de chanteuses de blues ou la partition de la chanson de Brel Ces gens-là.

Ce qui fait particulièrement l’originalité du texte c’est la rencontre de trois regards : celui de Rita, la mère et l’épouse au cœur de l’histoire, celui de la comédienne Bwanga Pilipili, elle-même victime de discrimination en tant que noire, celui de l’autrice enfin, Laurène Marx, blanche, mais elle aussi discriminée en tant que transgenre. La langue de Laurène Marx inclut une grande part d’oralité. C’est une langue proche des gens, une langue populaire au sens où le sont les chansons de Brel, une langue qui « va du poétique au très cru, au bêtement prosaïque, au vulgaire, au drôle, au triste , qui navigue sans arrêt ».

Un spectacle qui va au-delà de la dénonciation du racisme systémique, qui pointe toutes ces petites marques du racisme ordinaire, tous ces a-priori qui accompagnent les noirs. On oublie trop que c’est le regard des Blancs qui « fait » le Noir et c’est bien de le rappeler.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 30 septembre à Théâtre Ouvert, 159 Avenue Gambetta, 75020 Paris – lundi, mardi, mercredi à 19h30, jeudi, vendredi à 20h30, samedi à 20h – Réservations : 01 42 55 55 50 ou theatre-ouvert.com – de la même autrice Jag et Johnny, à Théâtre Ouvert les samedi 13, 20 et 27 septembre à 18h, repris en octobre au Théâtre de la Reine Blanche, et les 14 et 15 octobre Pour un temps sois peu à l’Espace 1789 de Saint-Ouen


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