Lucie Berelowitsch, directrice du Préau, CDN de Normandie-Vire a découvert l’écriture de l’Haïtienne Gaëlle Bien-Aimé en 2023 au Festival des langues françaises au CDN de Normandie-Rouen. Séduite par ce texte, qui avait obtenu le Prix RFI du théâtre en 2022, elle l’a mis en espace avec le concours de deux jeunes acteurs, Sonia Bonny et Lawrence Davis et finalement mis en scène en 2024.

Dans une chambre de Port-au-Prince en proie au chaos et à la violence imposée par les gangs que ne cherchent même plus à contrôler les politiques, un couple se retrouve. À la lueur d’une bougie Zily et Ferah vibrent, se désirent, s’aiment, se souviennent du Port-au-Prince d’avant et se déchirent. Elle est étudiante, veut partir, quitter cette ville à la violence destructrice. Il travaille à l’hôpital et ne peut se résoudre à abandonner son île.

La langue de Gaëlle Bien-Aimé rythmée, tantôt crue, tantôt poétique vibre de sensualité, de colère et de passion. Le créole surgit parfois naturellement, des chants haïtiens remplacent la parole, le corps des amants glisse du sexe à la danse, la passion cède devant des décisions qui n’en sont pas.

La mise en scène nous place dans le huis-clos d’une chambre que gagne la nuit éclairée par une bougie, avec pour tout meuble un lit. Par la fenêtre on devine plus qu’on ne distingue la ville, des maisons, des silhouettes. Des sons nous parviennent, une détonation couvre parfois le chant des grillons qui remplit les nuits caribéennes.

Les deux acteurs portent le souvenir de la douceur qui fut celle de Port-au Prince et l’horreur devant ce qui s’y passe désormais, la colère aussi contre cette situation qui brise leur avenir. Sonia Bonny a la sensualité, la passion de Zily. Sa voix l’entraîne naturellement vers le chant, son corps vers la volupté et la danse. Elle porte avec une force magnifique les débats intérieurs de la jeune femme. Lawrence Davis incarne un Ferah amoureux qui, en dépit de tout, ne veut pas quitter son île et abandonner les gens qu’il soigne. Il espère encore mais se résigne à la séparation qu’il sent inéluctable. Tous deux sont profondément émouvants, passant avec talent de la douceur à la violence des mots et de la parole à la danse.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 22 mars au Théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier, 75014 Paris – les mardis, mercredis et vendredis à 20h, le jeudi à 19h, le samedi à 16h – Réservations : 01 45 45 49 77 – Tournée : 15 et 16 avril à Bayonne, Scène Nationale du Sud-Aquitain, 24 et 25 avril au Théâtre du Préau, CDN de Normandie-Vire. Le Préau organise les 22, 24 et 25 avril un temps fort haïtien avec Port-au-Prince et sa douce nuit, Aimer en stéréo, une autre pièce écrite et mise en scène par Gaëlle Bien-Aimé, une exposition La Maison Bleue, un film Freda et des moments festifs.

Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu