Elda Older a failli être actrice mais elle avait du mal à mémoriser trois phrases de texte. Son frère sculpteur vient lui rendre visite en compagnie de son modèle, Alexandre-Maurice, un homme mutique qu’elle recueille ensuite chez elle. Il semble avoir vécu autrefois dans cet appartement en compagnie de son frère Saltz et de leur mère impotente qui y a été assassinée. Par lui ? Mais il ne s’en souvient pas. Elda, cette femme sans mémoire, voudrait lui faire écrire son histoire. Des souvenirs vont renaître, Alexandre Maurice jeune, sa mère omniprésente, son travail à l’entrepôt la nuit, sa compagne sans famille, Jessica, et même le premier essai théâtral d’Elda auquel il a assisté.

Ambiance étrange de cette pièce, la première qu’ait publié Joël Pommerat. Deux êtres sans mémoire, l’une, Elda, logorrhéique, l’autre, Alexandre-Maurice, mutique. Autour d’eux des êtres tout aussi cabossés, Walter par exemple, le frère d’Elda, dont personne n’a vu les sculptures jusqu’au moment où, expulsé de son appartement parce que sa sœur a oublié de payer le loyer, il verra ses sculptures ramassées par les passants qui les choisissent sur le trottoir. Et que dire de Saltz, le frère d’Alexandre-Maurice, violon et valise à la main, venant d’où ? Tous sont empêchés, enlisés, inadaptés.

Christophe Hatey a accompagné Joël Pommerat à la création de Pôles en 1995. Il a même joué le rôle de Alexandre-Maurice puis en 1999 celui de Walter que Joël Pommerat avait réécrit pour lui en l’étoffant. C’est lui qui cette fois met en scène la pièce. Des panneaux figurent des portes, des cloisons derrière lesquelles on devine la mère impotente. Des passages au noir permettent de passer d’une époque à une autre, d’un lieu à un autre, de l’appartement d’Elda à l’entrepôt où travaillait Alexandre-Maurice et où Elda tenta de jouer.

Christophe Hatey dirige avec une précision remarquable une troupe d’acteurs formidables. Florence Marschal campe magnifiquement une Elda qui cherche à convaincre, tente de poursuivre son idée en dépit des rebuffades de son frère et de l’indifférence polie de son voisin, Jean (Tristan Godat en alternance avec Christophe Hatey) tout aussi paumé que les autres. Elle parle, parle, parle et sa logorrhée nous bouleverse. Roger Daveau prête sa silhouette massive à Alexandre-Maurice que les traitements psychiatriques ont rendu semblable à un bloc de pierre. On commence par rire de son mutisme, de ses réponses qui se limitent à un oui ou non difficiles, avant d’être bousculés par cet homme massacré par la vie. Mais ce serait injuste de ne pas tous les citer : Cédric Camus (Walter), Loïc Fieffé (Alexandre-Maurice jeune), Karim Kadjar en alternance avec Emilien Audibert (Saltz), Aurore Medjeber (Elda jeune), Samantha Sanson ( Jessica). Ils nous accompagnent dans ce monde absurde et pathétique où le comique affleure parfois.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 25 février au Studio Hébertot, 78 bis Boulevard des Batignolles, 75017 Paris – du jeudi au samedi à 21h, le dimanche à 14h30 – Réservations : 01 42 93 13 04

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