L’inégalité des richesses, un thème d’actualité avec les Gilets Jaunes que faisait pourtant déjà vivre Aristophane dans sa dernière comédie en 388 avant Jésus-Christ. Un honnête paysan athénien, Chrémyle, accompagné de son esclave Carion rencontre sur la route une sorte de SDF déguenillé. Il confesse être Ploutos, le Dieu de l’Argent, que Zeus a rendu aveugle pour qu’il ne puisse lui faire de l’ombre en devenant le bienfaiteur de l’humanité. En vertu de quoi ce sont les coquins, les menteurs et les escrocs qui s’enrichissent. Chrémyle et Carion le convainquent que c’est plutôt lui qui gouverne le monde, puisque c’est grâce à l’argent qu’il distribue que les citoyens peuvent faire des offrandes aux Dieux. Ils le convainquent d’aller au sanctuaire d’Asclepios qui lui rendra la vue et lui permettra ainsi de faire le bonheur des honnêtes gens. Mais tout n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Aristophane va lancer le débat entre échange d’arguments sérieux et situations comiques car comme le dit la Pauvreté si tout le monde est riche, plus personne ne voudra travailler et puis la situation des anciens riches qui se sont appauvris mérite parfois qu’on s’y attarde.

La mise en scène de Philippe Lanton adopte les trois parties de la pièce. La première voit la rencontre de Chrémyle et son esclave avec Ploutos, vêtu de loques, petit chapeau sur la tête. Ils le convainquent d’aller voir Asclepios pour qu’il lui rende la vue. Intervient alors une grande figure, la pauvreté qui les alerte sur l’immense erreur qu’ils vont commettre, une erreur qui chamboulera tant la société qu’elle n’y pourra survivre. Les arguments fusent de part et d’autre. La seconde partie voit la guérison de Ploutos qui fait profiter de ses largesses ses nouveaux amis, des gens simples et honnêtes. L’abondance règne désormais chez Chrémyle et Carion, mais de nouvelles questions surgissent avec, dans la troisième partie, l’arrivée de ceux que la nouvelle situation mécontente ou qui, comme Carion, s’interrogent.

Théâtre : Ploutos
Théâtre : Ploutos

Sur le plateau nu ce sont les acteurs qui captent l’attention. L’adaptation d’Olivier Cruveiller modernise la traduction tout en respectant l’insolence et le comique de la pièce comme la dialectique des débats. Elle interpelle le spectateur avec ironie en lui demandant de s’interroger sur la corruption ou sur la souffrance du riche rongé de remords (!), en rajoute aussi parfois en se demandant s’il faut garder tous ces noms de Dieux, imaginant de fournir aux spectateurs un lexique. L’ironie inspire aussi les respirations musicales. La distribution est homogène. On retiendra surtout Nicolas Struve, qui campe un Carion très drôle, ancêtre des valets malins et justes de Molière, Olivier Cruveiller qui exprime bien les espoirs et l’habileté à discuter de Chrémyle et enfin Christian Pageault, qui semble rester un subalterne même quand il troque son costume de clochard pour celui du Dieu Ploutos. Il est vrai qu’il continue à craindre Zeus !

Même si la pièce comporte quelques longueurs, elle reste très drôle et d’actualité car nous sommes toujours aux prises avec les questions de justice et de morale que posent l’argent et la distribution équitable des richesses.

Micheline Rousselet

Du jeudi au samedi à 20h30, matinées le samedi et le dimanche à 17h

Théâtre de l’Épée de Bois

Cartoucherie, Route du Champ de Manoeuvre, 75012 Paris

Réservations : www.epeedebois.com


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