En mettant en scène la célèbre tragédie de Racine, Muriel Mayette-Holtz a souhaité resserrer la pièce sur son sujet essentiel, la passion dévorante de Phèdre pour son beau-fils. Exit donc Ismène, Aricie et Panope.

Phèdre apparaît comme une jeune femme exilée dans une terre étrangère, où l’a emmenée son mari le vieux héros Thésée, vainqueur du Minotaure grâce à l’aide d’Ariane qui l’a aidé à sortir du labyrinthe où ce dernier l’avait enfermé. Après l’avoir séduite, Thésée a abandonné Ariane sur une île et emmené sa sœur Phèdre pour l’épouser. Solitaire, seulement accompagnée de sa fidèle suivante Oenone, Phèdre est foudroyée par la passion et un désir brûlant auquel elle ne peut résister pour son beau-fils Hippolyte. Croyant son époux mort, elle déclare sa flamme à Hippolyte, qui décide alors de fuir. Le retour de Thésée met les deux jeunes gens dans une situation inextricable. En tentant de sauver la Reine qu’elle aime et vénère, Oenone va provoquer le drame. Thésée empêtré dans sa position de Roi et se croyant bafoué par un fils cherchant à séduire sa belle-mère, va demander l’aide d’Apollon qui provoquera la mort d’Hippolyte. Il ne reste plus à Phèdre, consumée de douleur et de jalousie, lorsqu’elle apprend qu’Hippolyte aimait Aricie, qu’à se suicider.

La mise en scène de Muriel Mayette-Holtz est centrée sur le désir empêché. Chacun est comme dans une prison. Les décors et les costumes de Rudy Sabounghi, magnifiques, contribuent à cette impression d’enfermement. En lieu et place de l’antique Palais de Trézène, nous sommes dans la vaste salle d’un palais XVIIème siècle aux murs tendus de velours rouge, ornés de grands portraits comme autant de stigmates d’une lignée maudite et d’un grand miroir. Dans une cheminée brûle un feu à l’image de celui qui consume Phèdre, au fond une grande porte de bois et sur les côtés deux couloirs d’où surgissent avant qu’on ne les voie les ombres des personnages, dans de très beaux éclairages caravagesques de François Thouret. Phèdre, elle aussi, semble emprisonnée dans sa robe rouge, qu’elle quitte pour une chemise blanche, quand elle se laisse aller à exprimer son désir. Le rouge, tel le sang, domine aussi le costume d’Hippolyte.

La pièce démarre avec l’apparition de Théramène qui résume ce qui s’est passé et casse le quatrième mur en s’adressant directement au public. La metteuse en scène a confié ce rôle au slammeur Jacky Ido. Il porte à merveille le rythme des alexandrins, et plus tard il essaiera d’obtenir du public qu’il répète les hélas qui s’enchaînent dans un des monologues raciniens. Il est parfait et n’a nul besoin de musique, laquelle devient ensuite un peu envahissante en ligne continue derrière les dialogues, d’autant plus que la sonorisation, les comédiens étant microtés, n’était pas très bonne le soir où nous étions présents. Muriel Mayette-Hotz interprète, en alternance avec Nicolas Maury mais de façon un peu fade, une Oenone personnage tragique par excellence puisque sa dévotion et son amour excessif pour Phèdre accéléreront la tragédie. Augustin Bouchacourt donne à Hippolyte, la fraîcheur et la beauté de la jeunesse et la pudeur d’un jeune homme qui aimerait s’affranchir de ce père envahissant qui lui a interdit d’aimer Aricie et du désir tout aussi envahissant de sa belle-mère. Ève Pereur incarne avec flamme la passion de Phèdre. Si elle a un peu de mal avec la musique des alexandrins, elle excelle par contre à s’approcher avec délicatesse de l’objet de son désir, à l’effleurer tandis qu’elle lui déclare son amour. Charles Berling tout de noir vêtu, incarne un Thésée, auréolé de sa légende de héros, qui ne peut accepter l’offense que représenterait la trahison de son fils mais qui, dans sa lâcheté, ne peut accepter de le tuer lui-même et en chargera les Dieux. Le comédien excelle à passer de la fierté au chagrin quand il comprend la machination dont il a été victime et qui lui a fait tout perdre.

Un pari plutôt réussi pour cette version resserrée et pleine de feu de Phèdre.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 26 octobre au Théâtre La Scala, 13 bld de Strasbourg, 75010 Paris – Du mercredi au samedi à 19h, le dimanche à 15h – Réservations : 01 40 03 44 30 ou https://lascala-paris.fr – En tournée ensuite

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