Sait-on bien à quoi on s’expose quand on se marie ? Sur ce sujet Balzac a écrit un premier texte en 1829, intitulé Physiologie du mariage, sorte d’essai, d’étude de mœurs et de traité analytique. Il est ensuite revenu sur le sujet en 1846, avec Petites misères de la vie conjugale. Dans ce texte, comme dans le premier il peint, par une succession de saynètes, la vie d’un couple ordinaire typique de la bourgeoisie parisienne du XIXème siècle, Adolphe et Caroline. Il mêle satire et ironie pour ce portrait des petites mesquineries et désillusions qui émaillent la vie d’un couple. Les préoccupations financières sont présentes dans le choix de l’union comme dans les attentes des femmes de cette classe sociale, qui à cette époque ne travaillent pas. Le poids des obligations mondaines est abordé avec ironie aux dépens des femmes mais aussi plus subtilement à ceux des hommes. Les désillusions succèdent aux espérances des premiers temps. De la nuit de noces à la naissance du premier enfant et à l’usure du couple, l’aveuglement amoureux cède la place à une lucidité féroce sur les défauts de l’autre. Les querelles s’installent sur l’éducation des enfants ou le rang à tenir en société. La déception et l’ennui gagnent et l’adultère n’est pas loin. La plume de Balzac est acérée, la satire percutante et, les femmes comme les hommes y sont peints avec leurs petitesses.

Cette succession de saynètes a paru idéale pour une adaptation théâtrale à Pierre-Olivier Mornas qui la met en scène et joue aussi le rôle d’Adolphe. Magie du théâtre avec le même décor, celui d’un boudoir, avec son lit derrière un rideau et un paravent, le spectateur se transforme en voyeur observant Adolphe et Caroline dans leurs dialogues comme dans leurs pensées personnelles. Ils s’échappent même parfois perruque sur la tête pour livrer quelques réflexions sur l’institution du mariage. Un coussin devient un bébé et un siège, le banc d’une calèche qui emmène la famille à la campagne. Pierre-Olivier Mornas campe un Adolphe en costume noir de notable, souriant et conciliant en apparence mais bien cruel dans ses jugements sur sa femme et probablement volage. Alice d’Arceaux incarne Caroline, coquette et charmante, un peu capricieuse et jalouse face à un mari souvent absent et qui en fait s’ennuie beaucoup avec un époux qui ne correspond pas à ses rêves. Tous deux incarnent avec ironie et humour ce couple qui a perdu ses illusions et les entendre dans ce texte ciselé de Balzac est un régal.

Bien des couples sont prêts à adhérer à la remarque de Balzac « Le mariage est une institution nécessaire au maintien des sociétés … mais contraire aux lois de la nature… S’aimer toujours n’est-ce pas la plus téméraire des entreprises ? ». La solution qu’il propose en surprendra plus d’un et plus d’une !

Micheline Rousselet

Jusqu’au 1er février au Théâtre de Poche-Montparnasse, 75 bd du Montparnasse, 75006 Paris – du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 17h – Réservations : www.theatredepoche-montparnasse.com ou 01 45 44 50 21

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