Ce premier roman du rappeur Gaël Faye, couronné du Goncourt des lycéens, a connu un très grand succès au point d’être aujourd’hui étudié dans les collèges. Le personnage principal, Gaby, métis d’un père expatrié français et d’une mère rwandaise tutsi vit au Burundi, à Bujumbura. Il a dix ans, fait les quatre-cent coups avec ses copains et mène une existence heureuse jusqu’au jour où ses parents commencent à se déchirer et où les troubles politiques se mettent à bouleverser son pays, tandis que le génocide des Tutsi ravage le Rwanda voisin où vit une partie de sa famille. C’est dans les romans que lui prête Madame Economopoulos, ceux d’Alexandre Dumas ou de Jack London, qu’il va trouver l’oxygène qui va lui permettre de tenir le coup alors que son univers s’effondre. À l’éclatement du couple formé par ses parents répondent les troubles politiques qui exacerbent la division entre Tutsi et Hutu aboutissant au génocide au Rwanda. Gaby devra fuir le Burundi, exilé de son pays et de son enfance.
Le metteur en scène Frédéric R. Fisbach, qui a grandi adossé à la Shoah, a proposé à Gaël Faye d’adapter son roman pour la scène. Signée par Samuel Gallet, l’adaptation se garde bien de montrer l’horreur que fut ce génocide où, dans un petit pays de dix millions d’habitants, un million sera massacré par des voisins ou des amis. Le metteur en scène est parti de la fin du roman où Gaby, vingt ans après le génocide, revient dans son pays auprès de sa mère gravement traumatisée, et lui rappelle son histoire. Un grand tapis de laine verte couvre le sol avec des reliefs qui rappellent que le Rwanda était baptisé le « pays des mille collines ». Sur des petits écrans au fond du plateau passent des images du Rwanda que le metteur en scène est lui-même allé filmer. Il a aussi travaillé avec le chorégraphe Bernardo Montet pour éviter de sombrer dans le drame le plus affreux et pour donner toute sa place à la sensualité des paysages et des relations.
Les six comédiens, noirs, blancs, métis, outre les divers personnages du roman, incarnent Gaby à tour de rôle. Ils parlent en chœur d’histoires terribles où les hommes se laissent emporter par une violence destructrice et où Gaby, comme le lui dit son ami Gino, ne pourra pas rester neutre. Il ne lui restera plus qu’à fuir ce pays « en laissant la porte ouverte derrière lui ». Frédéric R. Fisbach a souhaité que ces comédiens soient des « passeurs de paroles mais aussi de sensations » et ils y réussissent fort bien.
Petit pays parle à une jeunesse française, dont une bonne partie est issue de l’immigration. Comment intégrer dans sa vie les deux cultures, surtout quand l’histoire a été semée de drames ? Cette question les jeunes se la posent et ils ne peuvent qu’être émus par ce que vit Gaby, la fin de l’innocence enfantine sous l’effet des troubles politiques qui ajoutent l’horreur à la déchirure du couple parental.
Micheline Rousselet
Spectacle créé au Théâtre Le liberté à Toulon, les 8, 9 et 10 novembre – Tournée : Le cratère à Alès les 23 et 24 novembre, Théâtre Montansier à Versailles du 8 au 10 décembre
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