« Je veux bien jouer les concierges et les bonnes de curé, passer le plumeau sur les bibelots du salon, mais seulement en présence d’un cameraman » avait dit Pauline Carton. Derrière sa « voix de canard » et sa dégaine de concierge se cachait une actrice d’une drôlerie folle, une femme aux remarques spirituelles qui fut l’amie de Sacha Guitry, lequel avait pour elle une profonde affection.

S’inspirant de sa correspondance et de son livre de mémoires Les théâtres de carton, Virginie Berling, Christine Murillo et Charles Tordjman (à la mise en scène) la font revivre à travers ses textes et quelques chansons.

Pauline Carton raconte son parcours d’actrice, parle de son métier, de son physique qui la limita aux rôles de concierge et de bonne, du rapport admiration-déception qui lie le comédien et son public. Elle évoque tout cela sans regrets et avec humour. Elle parle avec tendresse de Sacha Guitry qui lui avait dit « vous donnez à vos rôles un relief formidable et avait écrit, sans l’en avertir, une préface pour son livre puisqu’elle-même n’avait pas daigné (osé?) lui annoncer sa parution. « Le 24 juillet 1957 Sacha Guitry meurt. Il n’aurait pas dû » dit-elle. Avec un franc-parler, que peu osent encore elle se moque des journalistes, «  J’ai 89 ans et si vous m’interviewez plus de deux minutes sans m’intéresser, je m’endors ».

Ronde comme l’était Pauline Carton, petit chapeau sur la tête, foulard (offert par Sacha Guitry !) autour du cou, sac en bandoulière, et chaise-canne à la main, Christine Murillo s’installe à une table devant les spectateurs, au plus près d’eux puisque le spectacle se joue dans la petite salle de La Scala. Tranquillement elle sort de sa boîte en carton une théière, une gourde, ses lunettes et se moque de son visage « j’ai un physique de pou ! ». Ancienne sociétaire de la Comédie Française, couronnée de quatre Molières, l’actrice excelle à faire entendre l’humour et l’ironie de Pauline Carton. Elle est hilarante quand elle imite un acteur qui zézaie en déclamant Victor Hugo et dont elle dit qu’il avait la langue « enfouifouiné ». Elle passe de l’accent roumain d’Elvire Popesco, à la voix de Jean Marais ou à celle de Michel Simon. Le public étouffe de rire en écoutant l’actrice refaire la publicité de la Vache qui rit, à laquelle Pauline Carton avait prêté sa voix, ou chantonner « Je te veux sous les pa, sous les lés, les palétuviers roses, aimons-nous sous les palé, prends-moi sous les létu, aimons sous l’évier ! »

Une heure de tendresse pour celle qui fut une concierge de légende et autant de rires avec la grande actrice qui l’incarne.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 17 décembre à La Scala, 13 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris – les samedis et dimanches à 15h30 ou 19h30, relâche les 14 et 15 octobre – Réservations : www.lascala-paris.fr


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