Alexis Michalik, maintes fois moliérisé et qui sait si bien mettre sur scène des histoires romanesques imbriquant des destins personnels et des faits de société, a souhaité nous parler cette fois de migrations. Alors que les hommes ont toujours voyagé, que la plupart des Français ont des ancêtres qui ne le sont pas et que notre pays à la fécondité déclinante a besoin de bras dans certains métiers, l’intolérance et le racisme progressent. Passeport s’intéresse au destin de trois de ces migrants.

Tout démarre à Calais, où un Érythréen, Issa, a perdu la mémoire après avoir reçu des coups lors d’une bagarre dans ce camp, qu’on appelait « la jungle de Calais ». Il ne lui reste que le souvenir de son nom et son passeport. On va le suivre dans son périple pour obtenir un titre de séjour en compagnie d’un Tamoul, Arun, et d’un Syrien, Ali. Tous trois avaient l’intention de passer en Angleterre, mais les contrôles policiers très stricts des camions les en empêchent. Bien qu’ils ne parlent pas très bien le français, il va falloir que, en dépit du racisme et de la méfiance de certains, ils s’intègrent en France, qu’ils obtiennent, dans la jungle administrative qui les accueille, des papiers, qu’ils trouvent du travail, souvent aidés par ceux qui sont arrivés avant eux ou par des associations. En parallèle de l’histoire des trois migrants il y a aussi celle de Lucas, un gendarme noir adopté aux Comores par un couple de Français blancs, quand il était bébé.

On sent qu’Alexis Michalik s’est beaucoup documenté sur le sujet. Mais du coup il tutoie parfois un peu trop le didactisme. En outre les personnages sont proches du cliché, on frôle parfois l’invraisemblance et l’ensemble sombre un peu dans l’irénisme. Le père de Lucas offre le portrait d’un raciste caricatural. Les talents d’Issa, son goût pour la lecture le conduisent vite à être admiré par son patron. Même le banquier auquel s’adresse Issa pour un prêt pour ouvrir un restaurant est séduit d’office. Pas beaucoup d’obstacles sur le parcours d’Issa, Arun et Ali. Après un retournement inattendu, la réussite est au bout de l’histoire.

Ces bémols mis à part, on retrouve dans la pièce le sens du rythme, les dialogues vivants et le sens de l’humour dont est coutumier Alexis Michalik. Sa mise en scène, aidée de quelques projections nous fait passer de la jungle calaisienne aux contrôles policiers sur les camions qui approchent du tunnel sous la Manche, d’un compartiment de train à un restaurant parisiens, de l’appartement des parents de Lucas à la bibliothèque où Issa rencontre Yasmine. Sly Johnson a créé une musique qui épouse bien les émotions.

Les sept comédiens jouent avec talent tous les rôles. Jean-Louis Garçon est Issa, fragile d’abord, quand blessé il doit se contenter de répéter son nom et son origine, puis inventif et entreprenant. Fayçal Safi apporte beaucoup d’humour dans le rôle d’ Ali, l’intellectuel syrien ironique face aux aléas de la vie, Kevin Razy est Arun avec son optimisme à toute épreuve, Patrick Blandin fait vivre toutes les contradictions de Michel le père de Lucas, raciste oubliant totalement que son fils est noir, forcément c’est son fils ! Christopher Bayemi incarne bien les tourments de Lucas coincé entre son travail, le racisme de son père, sur lequel il glisse, et ses origines, Manda Touré est Jeanne, la journaliste engagée et Ysmahane Yaquini est Yasmine qui sera la mère de l’enfant d’Issa.

On s’attache à ces personnages, d’autant plus qu’Alexis Michalik porte sur eux un regard plein d’empathie et leur offre une histoire pleine d’espoir. A l’heure où une loi sur l’immigration, oubliant tout ce que notre pays lui doit, cherche à créer le maximum d’obstacles à l’arrivée de ces gens venus dans leur immense majorité chercher simplement un moyen de vivre dignement, on ne peut que remercier Alexis Michalik pour cette pièce.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 30 juin au Théâtre de la Renaissance, 20 bd Saint Martin, 75010 Paris – du mardi au samedi à 21h, le samedi à 16h30, le dimanche à 17h – Réservations : 01 42 08 18 50

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