Théâtre : Passagères

Dans le huis-clos d’un brise-glace soviétique, la rencontre de deux femmes vite brisée par la terreur stalinienne. Sur ce bateau militaire où quelques rares cabines sont réservées à des civils, une jeune ouvrière Kathia, pleine d’espoir, part pour Moscou afin de réaliser son rêve d’être actrice. Elle y rencontre Anna qui fut actrice mais a vu ses espoirs brisés et son mari déporté. En dépit de la méfiance et de la surveillance, une amitié se noue qui ne survivra pas à ce système où les murs ont des yeux, des oreilles et des bouches.

Théâtre : Passagères
Théâtre : Passagères

La jeune metteuse en scène d’origine russe, Tatiana Spivakova a choisi de monter ce texte écrit par Daniel Besnehard en 1984, en y introduisant quelques extraits de poèmes tirés du recueil Requiem d’Anna Akhmatova, que murmure en russe une voix off. Elle dit qu’elle a voulu raconter l’âpreté de l’URSS sous Staline pour donner une voix à ces millions de personnes que la terreur a contraintes à se taire. Des portes et des malles métalliques au sol, quelques inscriptions en russe, une porte ouvrant sur les toilettes où l’on s’enferme pour se retrouver, une ardoise où l’on écrit des messages que l’on efface sitôt lus tout en chantonnant pour se dissimuler, un semblant de brouillard, suffisent à planter le décor sinistre du brise-glace navigant dans ces eaux glacées. La solitude, le froid, le désespoir suintent de cette cabine où Anna vêtue de noir lave et coud sans jamais oser déroger aux règles. L’arrivée de Kathia exubérante, vêtue d’orange, semble apporter la lumière et la force capables de desserrer l’étreinte de la peur. La rencontre prend toute sa force quand la lecture du monologue de La mouette de Tchekhov fait comprendre à Kathia qu’Anna fut une actrice. La chute n’en sera que plus terrible.

C’est pour ses « muses » de l’époque que Daniel Besnehard avait monté le texte. Catherine Gandois y jouait le rôle de Kathia. Trente-six ans plus tard elle joue celui d’Anna sombre, silencieuse, écrivant en cachette dans un petit carnet pour continuer à exister. C’est sa propre fille, Sarah Jane Sauvegrain qui reprend le rôle de Kathia, dont la vivacité, l’insolence, la détermination ne résisteront pas à un système impitoyable. Des vies broyées, tout comme celle du marin (Vincent Bramoullé) qui les surveille, par un régime qui cultive la peur pour tuer toute liberté de penser.

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 17h

Théâtre du Lucernaire

53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris

Réservations : 01 45 44 57 34 ou www.lucernaire.fr

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