Jean-Louis Benoit a mis en scène deux reportages diffusés sur France Culture, dans l’émission de Sonia Kronlund, Les pieds sur terre. Le premier, signé Olivier Minot, donne la parole à Monique, une garde-barrière, le second, signé Élodie Maillot, à une infirmière de nuit en hôpital psychiatrique, Myriam. Deux femmes qui atteignent la cinquantaine, deux univers bien différents. La première passe de la guérite à la maison, où elle passe peu de temps, descend la barrière de protection, sait gré aux conducteurs de TGV, qui le temps d’un passage éclair, lui font un petit signe de la main et aux gens qui la saluent. Elle est là depuis vingt-neuf ans, a vécu toutes les transformations de la SNCF et sait son métier condamné. La seconde arpente les couloirs de l’hôpital la nuit, sa lampe de poche à la main. Passant de chambre en chambre elle écoute la souffrance des uns, les poèmes de l’autre et les souffrances de tous et elle cherche à les aider à dormir. Le travail de Monique est voué à disparaître, un travail mal rétribué, peu reconnu et pourtant elle sauve des vies chaque jour. Celui de Myriam est plus gratifiant et le nombre de fous ne semble pas prêt à diminuer !
Jean-Louis Benoit, cofondateur avec Didier Bezace et Jacques Nichet du Théâtre de l’Aquarium, signe là une mise en scène délicate. Sur un fonds de scène, à la fois miroir et écran, s’allonge une voie ferrée au milieu des champs, où marche ou rêve un enfant solitaire, comme celui de Monique. Régulièrement une sonnerie stridente et une lampe rouge viennent lui rappeler qu’elle doit veiller à ce que personne ne s’engage sur la voie. Sur l’écran ce sont ensuite des visages posés sur un oreiller, endormis ou éveillés, ceux que veille Myriam, sa lampe de poche à la main. Là encore le temps rythme le travail et les patients demandent souvent à Myriam quelle heure il est.
La même actrice, Léna Bréban, incarne avec une justesse surprenante les deux femmes. Avec sa petite blouse à fleurs, elle repasse, casse des noix pour occuper le temps dans sa guérite, se précipite au-dehors quand retentit la sonnerie pour fermer la barrière. Souriante et calme, elle devient hypersensible et se met brusquement à crier quand elle raconte les injustices et l’inhumanité auxquelles elle se heurte dans son travail. Vêtue de sa blouse blanche d’infirmière, elle devient une Myriam attentive, qui dans la nuit propice à toutes les angoisses, se met à l’écoute des patients avec qui elle développe une relation de confiance.
Á travers le récit de vie de ces deux femmes tout un monde apparaît qui nous renvoie à des questions très politiques. Sans effets de manche, ces deux femmes, qui font simplement leur travail, nous racontent le monde et c’est très beau.
Ce spectacle est précédé, dans le cadre de Paroles de femmes#2 par Sacré, sucré, salé de Stéphanie Schwartzbrod, une heure de jubilation culinaire et spirituelle autour des trois religions du livre et de leur rapport à la cuisine.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 17h et pour Sacré, sucré, salé à 19h du mardi au dimanche. Les deux spectacles peuvent être vus à la suite.
Théâtre de l’Aquarium
Cartoucherie
Route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 43 74 99 61
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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