Nous sommes en 1553, le bon roi Gargantua est mort depuis cinq ans. Epistémon, le précepteur auquel le Roi avait confié son fils Pantagruel, reprend goût à la vie en nous racontant les aventures qu’ils ont vécues avec Panurge. Celui-ci, pas plus chirurgien que vous et moi, a remis en place la tête d’Epistémon, coupée lors de la bataille contre Loup-Garou et ses géants. Désormais leur ami, Panurge pose à Pantagruel et à Epistémon les deux questions qui le taraudent : « dois-je me marier et si oui serai-je cocu ? ». Les trois amis vont se lancer dans un grand voyage initiatique qui les mènera jusqu’à l’île de la Dive Bouteille pour tenter de trouver une réponse à cette question existentielle.

Comédien attaché au Théâtre de La Huchette et aussi auteur, Alain Payen a eu envie de s’attaquer à Rabelais. Adapter Rabelais n’est pas une mince affaire. Il est facile de se noyer dans la multitude d’aventures, le nombre énorme de personnages, les références culturelles et linguistiques plus ou moins obscures à nos yeux. Il a d’abord opté pour un langage contemporain et il a choisi un personnage autour duquel articuler son récit. Ce fut Panurge, voyou hâbleur, flambeur aussi insolent qu’inquiet sur la question qui l’obsède et personnage du plus haut comique. Dans sa quête, dérangée par les hasards de la navigation et des rencontres, l’adaptateur a retenu des scènes satiriques soulignant le pédantisme des philosophes, la folie de ceux qui pensent avoir solution à tout problème, la rapacité des marchands, etc.

Pour sa mise en scène, c’est un théâtre de tréteaux qu’a choisi Alain Payen, avec comme accessoires une malle métallique, qui devient table ou navire, et un rideau de velours rouge. Tendu au milieu de la scène il révèle quand on le soulève un Panurge en short kaki dormant, qui énonce à son réveil la question clé de ses préoccupations. Trois comédiens vont nous accompagner dans ce voyage vers l’Île de la Dive Bouteille et la source du savoir. Patrick Alluin a le comique exubérant d’un Panurge empêtré dans ses contradictions, inquiet devant la décision à prendre, peureux dans le voyage et abasourdi devant les réponses contradictoires qu’il obtient, mais décidé à trouver LA réponse. Alain Payen glisse avec fluidité d’un personnage à l’autre, Pantagruel et Epistémon mais aussi tous les hommes rencontrés au cours du voyage. Les réponses contradictoires débitées, sans à peine prendre le temps de respirer, de la Sybille, du marchand de moutons, de l’occultiste, du philosophe, du fou Triboulet, soulignent le burlesque des situations. Le duo est complété par une musicienne, Marie-Anne Favreau, qui a écrit la musique, en alternance avec Violette Erhart. Elle joue du violon et chante ajoutant parfois une touche comique à la quête de Panurge, quand intervient le Ne vous mariez pas les filles d’Anne Sylvestre. Troquant son vêtement kaki pour une robe fourreau rouge fendue sur la cuisse et des talons aiguilles, elle invite les deux voyageurs à boire à la source du savoir. Le spectateur, qui a beaucoup ri, est tout prêt à les accompagner.

Micheline Rousselet

Spectacle vu au Théâtre Odyssée, 25 rue de la Gare, 92300 Levallois – Tournée en construction

Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu