En 1958, une femme blanche se fait arrêter à New-York au volant d’une Bentley. À ses côtés un Noir, le pianiste de jazz Thelonious Monk, dans la boîte à gant un peu de drogue. On l’inculpe pour possession de drogue et fréquentation inter-raciale, mais elle n’est pas femme à se laisser impressionner par un flic. Elle dit s’appeler Pannonika de Koenigswarter, née Rothschild et n’omet pas de signaler que sa fortune et ses relations lui permettent tout, en particulier de protéger ce Noir,

Thelonious Monk que les flics sont prêts à rudoyer, et que sa famille paiera pour éviter le scandale.

Elle va alors se dévoiler, raconter sa vie. Adorée par un père qui lui a donné le nom d’un papillon et l’emmenait partout avec lui dès son plus jeune âge, à la table de Gertrud Stein, à l’Opéra à Paris voir les ballets russes. A la fois britannique et française, elle s’est mariée à 22 ans avec un riche aristocrate et a eu cinq enfants qu’elle a abandonnés à son mari au bout de 15 ans de mariage.

Elle a refusé d’entrer dans le moule familial, de continuer à être appelée Kathleen, elle veut être Pannonica, une femme libre de décider de sa vie. Le bridge, le golf, Central Park, ce n’est pas pour elle. C’est à Harlem auprès des jazzmen Noirs et du be-bop qu’elle a trouvé sa raison de vivre. Elle vit dans un hôtel de luxe où elle a fait installer un piano pour Monk.

Olivia Elkaïm a écrit l’histoire de cette femme injustement un peu oubliée. Natacha Regnier dans un cercle de tissus, entourée de vitres et miroirs ébréchés, en fourreau et escarpins noirs, long fume-cigarette au bout de ses doigts gantés, ou en chemise de soie blanche l’incarne ici. Ferme, d’une voix précise et rapide, elle devient celle qui refuse une vie où elle est perpétuellement en représentation, rêve d’une vie libre, flamboyante et est prête pour cela à briser les codes moraux et sociaux de son milieu. Elle joue aussi le conseil de famille, qui la prive de ses droits sur la gestion de la fortune familiale, sa mère qui s’indigne ou son mari qui veut la retenir. Hautaine avec ceux qui prétendent la contraindre, elle se mue en femme sensible et tendre quand elle parle des musiciens qu’elle admire et aime.

Un musicien de jazz (Raphaël Sanchez) l’accompagne au piano, quelques notes au début puis de plus en plus présent. Elle écoute la musique, danse parfois, extatique et souriante. Elle devient enfin Pannonica vieillie, donnant ses raisons à ses enfants, leur expliquant qu’elle ne les a pas quittés pour un homme mais pour la musique et pour contrer la cruauté de ce monde qui protège les Blancs tandis que les Noirs crèvent. Elle aimait le jazz et les artistes, Monk, mais aussi Duke Ellington et bien d’autres qui lui ont dédiés certains de leurs morceaux. Elle les a aimés, financés et protégés.

Portrait brûlant d’une femme passionnée qui a su refuser les convenances par amour du jazz et mettre ses moyens financiers au service des musiciens noirs.

Micheline Rousselet

Spectacle vu dans le cadre du Phenix Festival à Paris qui présente une sélection de créations théâtrales en avant-première du Festival Off d’Avignon – du 7 au 29 juillet à 15h45 au Théâtre Le Petit Chien, Avignon – Relâches les mardis 11, 18 et 25 juillet

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