Les Trivelin sont mariés seulement depuis huit mois, mais déjà Alcide se prépare à rejoindre Blanche, sa maîtresse. Sa femme Emilienne, qui soupçonne une infidélité, use de tous les stratagèmes et de tous les arguments pour le garder à la maison. À ce jeu de dupes Alcide n’est pas en reste et finit par s’échapper. Arrive alors une amie d’Emilienne, Olympe qui vient d’avoir la preuve que son mari la trompe, tout comme celui d’Emilienne. Les deux femmes décident alors d’un stratagème diabolique pour se venger.

Même si cette pièce, restée inachevée, n’est pas classée dans les grandes pièces de Feydeau, on peut y entendre des prémices de la libération des femmes. Jean-Paul Tribout a su en révéler les trésors cachés, en écrivant un second acte où la vengeance des femmes, même non consommée, leur offre une victoire pleine d’esprit. Il faut dire que Feydeau y avait semé de grosses graines de remise en cause de la place que l’ordre bourgeois assigne au mariage et surtout aux femmes. Il fait revendiquer par Emilienne un droit à l’égalité complète avec son mari dans la recherche du plaisir sexuel. Elle refuse que le mariage la condamne à la ligne droite, à n’avoir qu’un seul homme pour toute sa vie, un époux qui semble lassé au bout de quelques mois. Elle en vient à dire à son mari qu’elle aurait dû être une courtisane puisqu’elles ont tout, les bijoux, les fleurs, les cadeaux et qu’on leur offre voitures et hôtels particuliers. A quoi il répond, sûr de son bon droit, « vous vous avez l’estime » !  Lorsqu’il lui assène « l’infidélité de la femme commence quand elle envisage sans horreur la possibilité de se donner à un autre », Emilienne rétorque sans attendre « à ce compte là, il n’y a pas un mari qui ne soit cocu » ! Dans la suite imaginée par Jean-Paul Tribout, les femmes deviennent maîtresses du jeu, libérées, imaginatives, réactives elles mènent la danse et c’est Blanche qui révèle que le roi est nu, en disant « vous les hommes et femmes du monde ne valez pas grand chose ». Entre quiproquos, rebondissements et coups de théâtre, le tourbillon vaudevillesque s’accélère, empreint d’un comique irrésistible et d’une folle modernité, jusqu’au dénouement final inattendu et spectaculaire.

Feydeau plaçait sa pièce dans la chambre à coucher du couple Trivelin. Jean-Paul Tribout le met en scène au milieu de caisses, qui deviennent chambre ou placard ou entrée, comme une image de ce que le mariage peut avoir d’emprisonnant. Un petit oreiller scotché au couvercle que l’on referme et Madame est couchée … pas pour longtemps, faisons confiance à Emilienne ! L’accordéon guilleret de Dario Ivkovic renforce l’ironie et le comique des situations.

Les quatre acteurs mènent un train d’enfer. Jean-Paul Tribout incarne un Alcide sûr de sa condition de mâle propriétaire de sa femme, bien plus jeune que lui, et pour qui avoir une maîtresse est tout à fait normal. Julie Julien est Blanche, la péripatéticienne, mot qu’Emilienne a du mal à prononcer, ou la grue – c’est plus simple – avec sa robe très décolletée et son collier de perles. Mais loin d’être sotte, elle fait un joli parallèle entre sa condition et celle d’Emilienne, l’épouse légitime. Caroline Maillard est une Emilienne éblouissante, coquette, séductrice, intelligente et aux répliques qui claquent. Claire Mirande et Samuel Charle complètent bien la distribution.

Un tourbillon de situations abracadabrantes et de répliques qui font mouche. Un vrai régal !

Micheline Rousselet

Jusqu’au 11 juin au Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris – du mardi au samedi à 18h30 ; le dimanche à 15h – Réservations : 01 45 44 57 34 ou www.lucernaire.fr

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