Tandis que les bulldozers avancent détruisant inexorablement la cité de son enfance, Rachid Bouali voit la mémoire de son père, en train de mourir lentement à l’hôpital, s’effacer peu à peu. C’est l’occasion pour lui, auteur du texte qu’il met aussi en scène et interprète, de faire un retour sur son passé et de s’interroger. Pourquoi ne sait-il presque rien de sa famille, il est né en France, il n’est allé qu’une fois enfant en Algérie ? Son père lui a dit qu’il était Kabyle, mais c’est quoi ? Quelle est l’histoire de ce pays dont il lui a si peu parlé, pourquoi et comment l’a-t-il quitté ?
Le requiem de Mozart ouvre et ferme cet émouvant hommage au père, point de départ d’une réflexion sur les origines où l’histoire intime croise l’Histoire. Ce que l’enfant n’a pas compris, la crainte de son père face aux autorités, son absence aux réunions et aux fêtes organisées à l’école s’éclaire pour l’adulte qu’il est devenu, un adulte à la fois Kabyle et Français capable d’assumer sa double appartenance.
Il y a dans le texte de Rachid Bouali à la fois de la tendresse et beaucoup d’humour. Le petit Kabyle à l’école vaut bien Le petit Nicolas. Les faits sont remis à leur place avec leur noirceur – l’horreur de la conquête de l’Algérie, la façon dont la France a utilisé ces Algériens comme de la chair à canon pendant les guerres ou comme main d’œuvre bon marché au service de la reconstruction du pays après la guerre – mais aussi avec leur côté positif, l’intégration réussie qui permet à l’auteur de se sentir aussi Français.
Seul sur scène et sans décor, avec seulement des carrés de lumière qui tels des morceaux du puzzle de l’histoire suggèrent la cité, l’école, les tranchées ou le village kabyle occupé, l’auteur se fait conteur, faisant partager au public ses souvenirs remontés du fond de sa mémoire. Il prend l’accent du Nord, où il vit, comme l’accent algérien de ses parents. En racontant sa vie et celle de ses parents, il fait écho à ce que fut celle de ces milliers d’Algériens arrivés en France dans les années d’après-guerre. C’est émouvant et c’est une magnifique réponse à la stupidité des nationalistes obtus de droite et d’extrême droite.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 21 décembre au Théâtre de la Concorde, 1-3 avenue Gabriel, 75008 Paris – du lundi au samedi à 19h – Réservations : 01 71 27 97 17 ou theatredelaconcorde@paris.fr – Tournée : 6 et 7 février au Quai des Arts à Veynes, 21 février au Théâtre Charcot à Marcq-en-Baroeul, 6 mars à l’Escapade à Hénin- Beaumont, du 13 au 15 mai au CDN La Manufacture à Nancy, 26 juin au Théâtre Traversière à Paris
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu