Préférer la fiction ou la réalité pour parler à la radio des enfants de la guerre ?
Anne Kessler s’est intéressée au roman L’enfant multiple d’Andrée Chedid. Dans une période aussi conflictuelle que la nôtre raconter l’histoire d’Omar-Jo, cet enfant qui a perdu ses parents et son bras dans un attentat lors d’une des guerres du Liban en 1975 lui apparaissait comme une évidence. Confié à un oncle et une tante à Paris, Omar-Jo devient l’ami de Maxime, le forain tout aussi abîmé que lui, qui s’occupe du manège d’en face. Malgré ses blessures, cet enfant, avec son intelligence et sa capacité au bonheur contagieuse, va trouver les ressources pour les réparer tous les deux.
Guy Zilberstein, avec qui elle a déjà travaillé, a proposé de placer ce récit dans le cadre de la fabrication d’un podcast pour une série consacrée aux enfants de la guerre dont des numéros précédents avaient déjà évoqué le Viet-Nam, le Biafra, le Rwanda, etc. Pour Anne Kessler, les podcasts remplissent aujourd’hui le rôle des griots ou des conteurs d’autrefois et la radio était déjà à l’œuvre dans une pièce qu’elle avait montée au Studio de la Comédie Française à partir d’une interview croisée de Brassens, Brel et Léo Ferré. Elle s’est donc lancée dans la mise en scène du texte de Guy Zilberstein.
Le plateau du Studio devient un studio d’enregistrement où une réalisatrice, incarnée par Claire de La Rüe du Can, un preneur de son (Dominique Parent) et un comédien (Baptiste Chabauty) s’interrogent. Pour parler des « enfants de la guerre » vaut-il mieux dire que l’on part du roman d’Andrée Chedid ou partir du témoignage d’un enfant réel ?
Les trois personnages discutent, confrontent leurs arguments, jouent un peu de musique, se demandent s’il faut préférer la réalité à la fiction. Un voile est tendu entre les spectateurs et les trois comédiens sur lequel sont parfois projetées des images d’archives un peu floues, Beyrouth avec les stigmates de la guerre ou une émission de Mireille Dumas interrogeant avec délicatesse un enfant orphelin et mutilé par la guerre, sorte de miroir d’Omar-Jo.
Lorsque la réalisatrice donne le mot de la fin « pour parler des enfants de la guerre peu importe que l’on parte de la fiction ou du réel, l’important c’est que cela sonne juste », on se prend à regretter que la poésie du texte d’Andrée Chedid se soit un peu trop perdue derrière les débats du trio.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 3 novembre au Studio de la Comédie-Française, Galerie du Carrousel du Louvre, Place de la Pyramide inversée, 99 rue de Rivoli, 75001 Paris – du mercredi au dimanche à 18h30 – Réservations : www.comedie-francaise.fr
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