Un jeune couple de néo-ruraux, Anthony et Pauline désireux d’échapper à « leur vie d’avant » et d’élever dans un environnement plus sain l’enfant qu’ils envisagent d’avoir, s’installent dans la maison qu’ils ont achetée en bordure du bois de La Fermette. Ils y rencontrent leurs voisins, Boris un forestier épuisé par les assauts de la crise climatique sur l’écosystème qu’il est chargé de gérer, sa mère Nathalie, assistante de vie, Fred.e une arboriste-élagueuse et Selma une ornithologue qui fait des appeaux pour attirer les oiseaux. Deux mondes différents. Les néo-ruraux apportent leur vision du monde, Pauline veut organiser des stages de méditation et Anthony, qui a horreur des petites bêtes et veut télé-travailler, est obsédé par la fibre qui n’arrive pas. Quand les services de la Mairie annoncent vouloir implanter un parc photovoltaïque dans le Bois de la Fermette, des dissensions ne peuvent qu’éclater. Tandis que Nathalie commence à perdre la mémoire, rejoignant ainsi ceux dont elle prend soin, Anthony se demande ce qu’il fait là et prend parti pour la « modernité », Fred.e se lance avec Selma dans une mobilisation radicale en faveur d’une ZAD et Boris veut défendre la forêt. Pauline choisit d’être enfin autonome.
Agathe Charnet, qui a écrit la pièce et la met en scène, a su créer des personnages et des situations qui donnent vie à des sujets très actuels, rencontre entre néo-ruraux et habitants installés là de longue date, effets du changement climatique dans un village français et débats sur les modes d’action pour y faire face, contradictions entre course au progrès et défense de la nature. Le texte est vivant, enlevé, prend parfois le chemin de la poésie ou des allures de comédie musicale pleine d’humour. Pauline et Anthony en chemises à carreaux chantent au début « Notre projet est un peu fou, se dépayser sans se déconnecter ». Boris avec une ironie désabusée parle de créer des « îlots d’avenir » en faisant de « la migration assistée » de sapins de Turquie plus adaptés à la sécheresse et Fred.e plus brutale lui rétorque « des espèces qui vont rapporter un maximum de fric ». Sa voix qui rappe et chauffe la salle trouve en contrepoint la voix de soprano de Selma chantant la chanson de Brecht et Kurt Weil Youkali « c’est le pays de nos désirs… mais c’est un rêve une folie il n’y a pas de Youkali ». Nathalie qui se rend compte qu’elle est en train de perdre la mémoire chante « comment ne pas perdre la tête serrée par des bras audacieux », tandis que l’actualité rattrape les personnages avec un méga-feu comme celui qui vient de ravager Los Angeles.
Agathe Charnet a rassemblé un groupe de comédiens et comédiennes, qui savent aussi chanter, très convaincant : Léonard Bourgeois-Tacquet incarne Anthony, un peu perdu dans ce monde rural avec sa peur des insectes et son obsession de la fibre qui certes repart vers la ville, mais avec le projet d’y chercher des solutions, Hélène Francisci est une mère aimante en train de perdre la mémoire, Maxime Gleizes est son fils, le forestier désespéré par la mort programmée de sa forêt, Virgile L. Leclerc est Fred.e, l’élagueuse rebelle, Catherine Otayek est Selma l’ornithologue à la voix d’or, Lillah Vial est Pauline l’hyper-sensible qui gagne son autonomie.
Dans cette pièce résolument engagée en faveur de la défense de la forêt et de l’environnement Agathe Charnet réussit à éviter les écueils des condamnation brutales ou des petites solutions individuelles. Un hymne à l’ouverture aux autres et à la solidarité plein de poésie et d’humour.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 25 janvier à Théâtre Ouvert, 159 avenue Gambetta, 75020 Paris – lundi, mardi, mercredi à 19h30, jeudi et vendredi à 20h30, samedi à 18h – Réservations : 01 42 55 55 50 ou resa@theatreouvert.com- Tournée : 28 janvier au Théâtre de Rungis, 1er février La Halle O Grains à Bayeux, 4 et 5 février Le Préau à Vire, 25 février au Volcan au Havre, 27 et 28 février au Théâtre de la Foudre à Rouen, 1er avril Le Salmanazar à Epernay, 3 avril au Théâtre de la Tête Noire à Saran, les 3 et 4 mai au Tangram à Evreux
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