C’est l’histoire d’un groupe d’amis confrontés au sortir d’une soirée au suicide de l’une d’entre eux. Pourtant elle s’appelait Victoire, avait une vingtaine d’années et croyait aux mots. Elle laisse derrière elle une fillette de neuf ans, Alabama. Cette mort provoque une déflagration dans le groupe. Ils vont s’interroger, se heurter. Il y a celui qui défend l’idée qu’ils ne sont pas responsables de cette mort, celle qui n’en est pas aussi sûre, celle qui ne veut pas y croire, celle qui s’inquiète pour Alabama, celle qui fait des blagues, celle qui ne voit pas pourquoi elle devrait s’apitoyer sur quelqu’un qu’elle n’aimait pas, celui qui essaye d’organiser. Ils sont dix-huit à s’interroger sur « leur innocence », sur ce que leurs aînés leur ont laissé en héritage et à clamer leur rage face au chaos dans lequel ils tentent de survivre.

Théâtre : Notre innocence
Théâtre : Notre innocence

L’idée de ce texte est venue lors d’un atelier de recherche avec des élèves de troisième année au Conservatoire national supérieur d’art dramatique animé par Wajdi Mouawad. La fin de ce travail a été marqué par deux traumatismes, les attentats de novembre 2015 à Paris et la mort d’une des élèves, qui a remis à la mémoire de Wajdi Mouawad le suicide d’un de ses camarades de promotion trente années auparavant. Il a souhaité dans son texte faire entendre la voix de ces jeunes dans ce qu’elle peut avoir de clairvoyance sur leur génération mais aussi de reproches portés contre la génération de leurs parents et de leurs grands-parents, dans ce qu’elle a de juste comme dans ce qu’elle a d’excessif. Ces jeunes ont conscience de vivre dans un monde porté par le culte de la performance, les marques, l’omniprésence des téléphones portables. Ils se plaignent de leurs aînés qui les écrasent et les « baisent ». « À vous les retraites, à nous la confusion ». Ils se demandent comment ils en sont arrivés à se parler comme ça, à s’envoyer des « textos de bites et de culs ». Ils disent « Notre seul espoir est de traverser la vie sans trop nous mouiller ». Lâcheté et révolte se mêlent, à la recherche d’un peu d’humanité.

La mise en scène de Wajdi Mouawad se plie à ce chaos. Le ton change, monologue au début retraçant la genèse de la pièce, long chœur ensuite où les dix-huit comédiens, tous âgés de 20 à 30 ans et venus des deux côtés de l’Atlantique, crient d’une seule voix la rage et les ressentiments de leur génération contre ceux qui ont « manifesté en 1968 pour les libertés et manifestent toujours mais pour leurs retraites désormais », des traîtres disent-ils. C’est autour d’une table que se révèlent ensuite les individus, dans le chaos des discussions après l’annonce de la mort de Victoire. La pièce enfin s’évade vers une partie plus poétique et métaphorique avec cette petite-fille qui cherche sa maman, traversant des espaces où flottent des rideaux, passant de l’ombre à la lumière, de la douceur de la chambre et du doudou à l’image crue de la mort, sans obtenir aucune aide de ceux qu’elle rencontre. Comme ces jeunes elle devra « faire son chemin toute seule »

Micheline Rousselet

Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30, le dimanche à 15h30

Théâtre National de la Colline

15 rue Malte-Brun, 75020 Paris

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 44 62 52 52


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