Cette pièce, adaptée du roman de Flaubert avec des références à « Jules et Jim » de Truffaut, a fait l’objet d’une critique, lisible ici 32889. Un autre contributeur a voulu y ajouter son avis enthousiaste.
Sophie Lecarpentier transpose le parcours de Frédéric Moreau dans le monde d’aujourd’hui. Le personnage exposé tel quel à l’air du temps de notre époque, apparaît tel qu’il est dans le roman de Gustave Flaubert,comme un garçon plein de tous les appétits et de toutes les faiblesses.
Frédéric venu de Rouen veut devenir écrivain et publier le roman qui marquera le siècle, conquérir Paris et le cœur de madame Arnoux, l’épouse d’un homme d’affaires ambitieux.
Chez Sophie Lecarpentier on le retrouve, dilettante et passionné à rater sa vie et à la laisser lui échapper à force d’hésitations à choisir.
On retrouve dans l’adaptation de Sophie Lecarpentier, la trame générale du roman et les personnages de Flaubert, les époux Arnoux, de Deslauriers, l’ami inséparable, Rosanette devenue Rose, Louise.
Sortis du 19ème siècle, ce monde foisonnant et tâtonnant trouve, sans être nullement dépaysé, sa place dans notre début de vingt et unième siècle. Personnages universels ou miracle de la minutieuse et sensible écriture de l’adaptation, ils sont là, vivants et vains, frémissants jeunes hommes et femmes à vif, livrés à leurs hésitations, tour à tour à leur doutes et à leurs élans d’enthousiasme.
Mais ici, point besoin pour témoigner du mal de vivre, comme chez Simon Stone dans ses « trois sœurs », de faire copuler les couples à la sauvette au hasard d’une chambre libre, de s’enfermer dans les toilettes pour sniffer une ligne de cocaïne, d’utiliser un langage faussement contemporain.
Contrairement à Stone qui exilait ce qu’il pouvait rester des personnages des trois sœurs dans un monde étranger à celui de Tchekov, Sophie Lecarpentier les y installe avec respect et tendresse.
Elle n’adapte pas tant le roman de Flaubert qu’elle n’en effleure les contours. Elle ne plonge pas tant dans l’univers des films de Truffaut, qu’elle n’en frôle les atmosphères en leur empruntant quelques musiques au passage
Ici, point n’est besoin pour être convaincant, d’échafauder un décor tournant sur deux étages . Un rideau de fond de scène et un sol de lino blanc suffisent, un fauteuil, une table, deux chaises.
Chez Sophie Lecarpentier, la mise en scène vive et dépouillée, modeste et flamboyante étincelle de pirouettes de trouvailles et surtout, éclate d’intelligence.
C’est tour à tour émouvant, parfois poignant et drôle et il faut saluer des interprètes, tous remarquables sans doute portés dans l’exécution de leurs partition par une complicité de longue date avec la metteure en scène.
La voix off qui renvoie à la fois à l’univers des films de François Truffaut et à la belle langue de Flaubert a été confiée, pour qu’il la transforme en ravissement, à un autre vieux complice qu’est Frédéric Cherboeuf.
Les amours de madame Arnoux et de Frédéric Moreau ont quelque cent cinquante ans et les allers-retours amoureux du trio de « Jules et Ji m», plus de cinquante ans.
Le travail d’orfèvre de Sophie Lecarpentier nous renvoie à nos interrogations mélancoliques, à nos deuils, à nos élans d’enthousiasme ,malgré tout et au bonheur de découvrir sur notre chemin de spectateur, un moment de beau théâtre.
Superbe. A ne manquer sous aucun prétexte !
Francis Dubois
Théâtre 13 / Jardin 103 A Boulevard Auguste Blanqui 75 013 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 45 88 62 22
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