Neige, une jeune adolescente subit les multiples injonctions de sa mère destinées à la protéger : ne mets pas de jeans, tu n’as pas besoin de portable, travaille ta danse, révise ton cours, sois gentille et polie, qu’est-ce que c’est que ces cheveux. Épuisée, Neige s’évanouit et sa mère en profite pour lui couper une longue mèche de cheveux. Pour qu’elle se coiffe mieux ou parce qu’elle-même se voit dans le miroir de la chambre en train de vieillir ? Revenue à elle, Neige coupe ses cheveux et part dans la forêt, tandis que tombe la neige. Elle verra passer des chevreuils, des loups, elle rencontrera deux autres adolescents et un « chasseur » qui l’aideront à grandir. Dans leur recherche, ses parents vont aussi se redécouvrir.

Après Dormir cent ans en 2017 pour lequel elle avait obtenu le Molière du spectacle Jeune public, Pauline Bureau se lance dans un nouveau conte, Blanche Neige. Faisant une lecture d’aujourd’hui du conte de Grimm Pauline Bureau le réécrit et le modernise. La mère remplace la belle-mère. Pour Bruno Bettelheim, dans La psychanalyse des contes de fée, l’une peut se substituer à l’autre. Là, elle ne veut pas être la plus belle mais elle ne veut pas vieillir et, comme dans le conte de Grimm, le miroir joue le rôle de révélateur. Neige va fuguer et s’enfoncer dans la forêt, un endroit qui fait un peu peur, mais où elle fera des rencontres. Si le Prince charmant a disparu, laissant place à un ado pas si charmant que cela, c’est l’amitié féminine qui l’emporte. Quant au chasseur, il est plutôt doux, l’autrice le transformant en ingénieur qui, à la suite d’un accident, a choisi de vivre dans la forêt.

Pauline Bureau a su admirablement créer un univers de forêt et d’eau, à la fois poétique et magique pour ce conte. Emmanuelle Roy a signé une scénographie, où la forêt de bouleaux sur lesquels tombe la neige, côtoie un grand réservoir. Celui-ci s’ouvre devenant la chambre de Neige avec son grand miroir, le commissariat de police ou la citerne où plongent les adolescents. Clément Debailleul, un des initiateurs de la magie nouvelle en France, a crée la vidéo qui nous immerge dans le climat magique de cette forêt. Avant même le début du spectacle les murs de la salle s’animent des arbres dénudés par l’hiver, qui s’agitent au gré du vent et se couvriront de feuilles à la fin. Dans la forêt du plateau, à laquelle la vidéo donne une profondeur surprenante, passent légers des chevreuils, un groupe de loups s’installe, le costume du père se couvre en partie de feuillage, comme si ce voyage dans la forêt à la recherche de sa fille le transformait lui aussi.

Les acteurs collent parfaitement à la réécriture du conte. Camille Garcia se transforme de petite fille sage en punkette, partie pour échapper aux injonctions de sa mère et se découvrir en jeune fille. Marie Nicolle incarne sa mère qui a du mal à voir sa fille grandir, ce qui la renvoie à son propre vieillissement. Yann Burlot est un père classique, souvent absent, mais que l’inquiétude transformera. Régis Laroche est le chasseur, que l’on devrait plutôt appeler l’homme des bois. Il lui donne la patience et la douceur de celui qui a un lien profond à la nature. Anthony Roullier et Claire Toubin complètent la distribution.

Tout en en conservant la poésie et la magie des contes, Pauline Bureau réussit à dévoiler tout ce qu’il y a en eux d’exploration des sentiments humains. Ce n’est pas simple d’être l’enfant que ses parents désirent et de devenir adulte. Mais ce n’est pas simple non plus pour les parents d’accepter que leur enfant se transforme en adulte.

Un spectacle conseillé à partir de dix ans, mais que les adultes doivent voir car c’est un des plus beaux spectacles de cette année.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 22 décembre au Théâtre de la Colline, 15 rue Malte-Brun, 75020 Paris – du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30, le dimanche à 15h30, plus 5, 7, 12 et 14 décembre à 14h30 – Réservations : 01 44 62 52 52 ou billetterie.colline.fr – 11 et 12 janvier au Bateaufeu à Dunkerque, 25 janvier au Cratère à Alès, 5 et 6 février à Alençon-Flers-Mortagne au Perche, 11 et 12 avril à Châlon-sur-Saone, 17 et 18 avril à Quimper

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