1998 : le monde découvre Britney Spears chantant Baby one more time et dansant vêtue d’un jean et d’un crop-top. De 2000 à 2010 elle passe de « petite fiancée de l’Amérique » à star hyper-sexualisée. Tous les paparazzi des États-Unis la poursuivent guettant ses moindres gestes, sa relation avec une autre vedette Justin Timberlake, sa prise de poids après sa maternité, commentant ses tenues, etc. Faisant la une des magazines people, poursuivie par des fans en délire, elle se rase la tête sous l’œil des caméras, boit trop, on la traite de « party girl » et les media considèrent qu’elle a sombré dans la folie. Son père, qui la voit surtout comme une machine à cash, demande sa mise sous tutelle et, avec la complicité de managers, l’oblige à une série de tournées d’où elle sort épuisée et déprimée. Tous les hommes autour d’elle profiteront de la situation, son père au premier chef, Justin Timberlake qui fera un succès de Cry me a river, en laissant entendre qu’elle lui a brisé le cœur, son ex-mari qui veut la garde exclusive de leurs enfants, ses managers, les cliniques luxueuses où son père l’a faite hospitaliser d’office. Ce n’est qu’en 2021, enfin décidée à récupérer le contrôle de sa vie, qu’elle osera aller devant un tribunal pour accuser son père et l’État de Californie qui l’a laissé faire.

La Compagnie Diplex (Céline Ohrel, Flavien Beaudron , Stephen Bouteiller et Wandrille Sauvage) s’est emparée de son histoire, occasion de s’intéresser au phénomène des idoles et au-delà à leur instrumentalisation et à ce que le patriarcat peut leur faire quand il s’agit de femmes. Dans leur mise en scène, un stoyak avec des vêtements des années 90 que les acteurs enfilent pour incarner les différents personnages, Britney elle-même, deux boy’s de ses shows, une journaliste recevant la vedette pour ne l’interroger que pour l’attaquer sur ce que ses vêtements ont de provocateur ou sur sa rupture avec Justin Timberland, etc. On passe du personnage, Britney Spears, à des remarques sur le moment où chacun des trois comédiens ( Céline Ohrel, Flavien Beaudron et Stephen Bouteiller) a commencé à l’admirer parce qu’elle faisait écho à leurs désirs. Quelques panneaux permettent de rappeler les manifs de soutien à l’idole déchue et internée de force.

Céline Ohrel incarne avec talent Britney Spears, regard perdu de la femme droguée au lithium par les médecins ou énergie de la chanteuse se lançant dans des chorégraphies sexy, avec ses deux boy’s Flavien Beaudron et Stephen Bouteiller, sous les lumières rouges des plateaux. Quatre adolescentes, issues d’écoles de danse de Vire et sa région, les accompagnent avec un talent qui rend très crédibles ces chorégraphies où la vraie voix de la chanteuse se fait entendre en play back. A un moment les lumières stroboscopiques accélèrent les mouvements comme une image de cet emballement où la chanteuse a peu à peu perdu le contrôle de sa vie.

La pièce va au-delà de l’histoire de la chute et de la résurrection d’une idole. Même la célébrité ne met pas à l’abri d’un système où le patriarcat s’allie au capitalisme pour tirer profit du succès d’une femme, quitte à la piétiner. Pari très réussi.

Micheline Rousselet

Spectacle vu à Vire dans le cadre du Festival A vif le 14 mai 2025 – Les 15, 16 et 20 mai à 11h au Lycée Jean Mermoz de Vire, le 21 mai à la Salle des Fêtes de Saint-Germain-du-Crioult à 20h30 – Tournée 2026 en construction. Déjà prévus, La Renaissance à Mondeville et le Théâtre Charles Dullin à Grand-Quevilly


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