Raconter sur une scène de théâtre le roman fleuve d’Alexandre Dumas en conservant la force de cette histoire romanesque, tel est le projet de Nicolas Bonneau et Fanny Chériaux. Les deux metteurs en scène ont réussi à en garder les principaux personnages mais aussi le suspens et les grands thèmes, l’injustice, la vengeance, l’appât du pouvoir et de la richesse sans oublier le contexte politique et social avec la construction des grandes fortunes bancaires et spéculatives lors de la Restauration. Puisque Umberto Eco disait de Monte-Christo, que Dumas avait coécrit avec Auguste Maquet, que c’était « le plus grand roman mal écrit », Nicolas Bonneau a fait le choix de laisser la parole au conteur et à la musique. Il ne garde pas les mots de Dumas mais conserve l’intrigue, le ton, le rythme qui laisse le spectateur en attente du prochain rebondissement.

L’épopée s’ouvre par un souffle, une voix de plus en plus présente tandis que des guindes se balancent au-dessus du plateau. Ces guindes deviendront ensuite les barreaux de la prison et rythmeront les voyages d’Edmond Dantès. Un homme s’avance au micro et commence à raconter le début du roman. Nicolas Bonneau est ce conteur mais devient aussi l’abbé Faria dans la prison du château d’If et les ennemis du Comte de Monte-Christo qui l’ont trahi, Danglars et sa jalousie haineuse pour la nomination d’Edmond Dantès comme capitaine, Fernand Mondego et son amour pour Mercedes qui lui préfère Edmond, Caderousse et sa cupidité et enfin Villefort, prêt à tout pour devenir Procureur du Roi. L’acteur tient le public en haleine tandis que des passages au noir ponctuent l’avancée de l’intrigue. Le texte se permet quelques échappées comme l’allusion à la déclaration mensongère de Cahuzac « les yeux dans les yeux », qui font rire le public mais rappellent aussi que la cupidité, la haine, la vengeance sont des passions intemporelles.

L’utilisation de la vidéo et d’extraits de films apporte des notes d’humour. Les extraits des différentes versions filmiques ou télévisuelles du roman nous entraînent dans le monde des grandes fortunes où Edmond Dantès, devenu comte de Monte-Christo, ourdit sa vengeance, mais passées en muet, avec des dialogues décalés, ils deviennent des petites merveilles de drôlerie. En contrepoint l’image animée utilisée pour raconter l’histoire d’Haydée, la fille du pacha de Janina, trahi par Fernand et sauvée par Monte-Christo, est empreinte d’une grande poésie.

La parole n’est pas seule à nous raconter ce roman. La musique, composée par Fanny Chériaux et Mathias Castagné, devient un personnage à part entière. Jouée par eux au piano, à l’accordéon, au cello et aux percussions, elle crée l’atmosphère, instille une dose de mystère, d’inquiétude et elle raconte aussi. Fanny Chériaux de sa voix rauque et puissante épouse les envolées lyriques, scande les mots, les crie ou les murmure. Elle ne se contente pas d’accompagner le conteur, elle le porte, l’interrompt, le bouscule ou le console.

Tous trois font vivre la magie du théâtre avec ce Monte-Christo qui continuera à nous habiter longtemps.

Micheline Rousselet

Vu le 28 avril au Quai des Rêves à Lamballe – le 6 mai à Vitrolles – du 7 au 29 juillet dans le Off d’Avignon au 11 à 10h – Réservations : 04 84 51 20 10 –

Tournée ensuite en 2022-2023 : 13 et 14 octobre à l’Aire Libre de Saint-Jacques-de-la-Lande, 2 décembre au Théâtre André Malraux de Chevilly-la-Rue (94), 2 février au Théâtre du Cloître à Bellac, 9 février au Théâtre de Morlaix, 16 mars au Théâtre de Charleville-Mézières, 6 avril au Libournia à Libourne, les 11 et 12 mai à l’ACB de Dijon

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